La formation continue des enseignants : un enjeu

La formation continue des enseignants et formateurs du ministère de l'agriculture doit être repensée, modernisée et pilotée dans la durée pour rendre notre système de formation encore plus pertinent.

Formation continue des enseignants de l'enseignement agricole publicLa formation continue des enseignants et formateurs : un enjeu majeur pour la réussite de nos publics

Les enseignants et formateurs de l’enseignement agricole sont confrontés à des mutations importantes dans l’exercice de leur métier en lien avec l’évolution des publics,  des attentes de la société et du monde professionnel. Elles se traduisent notamment par un certain nombre de réformes en cours. Parallèlement, les comparaisons internationales de type PISA montrent  que « Tous les pays les plus performants ou qui ont le plus progressé ont mis la formation des enseignants au cœur de leurs réformes » (Charbonnier, 2015)

Dans ce contexte, le Sgen-CFDT se félicite  de la commande au CGAER d’un rapport sur cette question majeure de la formation continue des formateurs et enseignants de l’enseignement agricole.

Des interrogations sur le dispositif actuel de formation continue des enseignants

Le dispositif actuel propose des modalités de formation de plus en plus diversifiées (FOAD, présentiel, alternance, formation-action, ..) conçues au niveau régional (PRF) et national (PNF) et mixant différents publics.

… Mais quelle stratégie, visibilité et lisibilité pour les bénéficiaires et opérateurs du dispositif ?

Au-delà de l’accompagnement des réformes en cours bien évidemment nécessaire, le Sgen-CFDT peine à identifier des orientations et une stratégie de formation continue volontariste à la hauteur des enjeux et pensée dans un continuum tout au long de la carrière des enseignants et formateurs.

La gouvernance et la cohérence de ce dispositif ne sont pas lisibles et questionnent bénéficiaires et opérateurs de ces formations. Comment, par qui, sont recueillis et analysés les besoins du terrain ? Comment sont définis les orientations et axes prioritaires ? Comment sont-ils hiérarchisés ? Quelle concertation ? Comment s’articulent les niveaux locaux, régionaux et national ?

A l’heure actuelle, un grand nombre de formations concerne uniquement la prise de fonction, les rénovations (formation obligatoire), l’évaluation certificative. S’y ajoutent au gré des politiques publiques, des offres de formation concernant « Enseigner à produire autrement », décrochage scolaire, etc., dont le caractère ponctuel ne s’inscrit pas dans un projet global d’acquisition de compétences pour les enseignants.  La didactique des disciplines est peu présente (15 % environ). Elle se concentre principalement sur 3 disciplines.De plus, de nombreux contractuels ne bénéficient d’aucune formation pour préparer leur concours de titularisation.

Au niveau de l’information des bénéficiaires, un site internet remplace le catalogue papier et présente bien les 1 600 formations proposées. Mais il est encore trop méconnu et son ergonomie est faible. Il convient de repenser largement la présentation et l’information sur l’offre globale de formation si on veut afficher une dynamique de formation et la rendre accessible.

Quel impact sur les pratiques et la montée en compétence ?

L’inscription en formation d’un enseignant isolé permet rarement d’améliorer en profondeur les pratiques pédagogiques puisque celles-ci s’inscrivent nécessairement et de plus en plus dans un projet pédagogique partagé. Même si se former à partir d’une démarche individuelle doit toujours rester possible, il semble de plus en plus nécessaire de s’interroger sur les conditions qui permettent à la formation d’accompagner la montée en compétence des collectifs et de disposer d’indicateurs permettant de le mesurer.

Quelle analyse des freins et leviers à l’engagement en formation ?

Même si le nombre de bénéficiaires  semble avoir augmenté depuis 2012 (en lien avec une nouvelle gestion de la formation avec un budget unique commun à tous les secteurs du Ministère), il est difficile d’obtenir auprès de la DGER des informations chiffrées sur l’inscription en formation des enseignants et formateurs. Pour autant, certaines formations sont annulées faute de candidats, ce qui décrédibilise et devrait nécessairement questionner le système.

Pour l’année 2015, il apparaît que le taux d’accès à la formation pour les agents de l’enseignement agricole (54%) est inférieur à celui des autres secteurs du Ministère que sont les services de la centrale et des DRAAF (63%)

Aucune analyse des freins à l’engagement en formation n’est réalisée. Et il est clair que certains chefs d’établissement ne facilitent pas (pour ne pas dire empêchent) le départ en formation des agents. Les temps de formation ne sont pas toujours libérés (heures de face à face à rattraper au retour de formation). Des aspects matériels comme l’éloignement géographique, l’avance des frais sont également des freins à ne pas négliger.

Les revendications du Sgen-CFDT pour la formation continue des enseignants et formateurs

Les enseignants et formateurs exercent un métier qui s’apprend !

Partir des besoins des équipes

La mise en œuvre de la rénovation de la voie professionnelle comme la réforme du lycée modifient profondément les conditions de travail des enseignants et formateurs. De nombreuses équipes peinent à s’emparer de cette plus grande autonomie laissée dans les choix pédagogiques. Les équipes doivent pour cela être accompagnées en partant des questions concrètes qu’elles se posent, du diagnostic de l’établissement et des besoins ainsi définis par le collectif au sein de  l’établissement. Par ailleurs, ces formations en lien avec les réformes doivent être complémentaires de formations qui correspondent aux besoins particuliers exprimés par les enseignants dans leur établissement, parce que chaque collectif d’enseignants dans son établissement peut rencontrer des problèmes différents et souhaiter être soutenu dans sa recherche de solutions.

Mettre en place des modalités de formation continue des enseignants au plus près des situations de travail et des savoirs issus de la recherche en sciences de l’éducation

Qu’elles soient présentielles, à distance ou hybrides, il convient de privilégier les modalités de formation qui permettent une articulation plus étroite entre les situations concrètes de travail et les savoirs pédagogiques ou didactiques : formation-action, recherche-action, groupe d’analyse de pratiques pédagogiques, alternance…

Concevoir l’établissement comme un lieu d’apprentissage et s’appuyer sur les collectifs

Pour Nathalie Mons, sociologue, la leçon des enquêtes PISA est qu’il faut s’appuyer sur les collectifs enseignants. Les pays les plus performants assurent « un soutien au travail des enseignants qui ne sont plus isolés dans leur classe ». Les enseignants dans ces pays profitent davantage du collectif de leurs pairs pour enrichir leur réflexion pédagogique et apporter en retour à leurs collègues. L’établissement doit être pensé comme un lieu d’apprentissage (Feyfant, 2013). Il faut créer des espaces d’échange et de soutien sur des problématiques précises (difficultés des élèves, numérique, approches disciplinaires…), se donner le droit en collectif d’expérimenter des pratiques pédagogiques, et aider à construire une culture commune sur les spécificités de l’enseignement agricole permettant l’exercice du métier dans ce collectif de travail interdisciplinaire.

S’emparer des questions relatives à l’organisation et au management des établissements

Une formation continue efficace ne peut pas faire abstraction des questions relatives à l’organisation et à la gouvernance des établissements. Il ne suffit pas d’avoir des enseignants formés, cela suppose  aussi une réflexion sur le rôle des chefs d’établissement, acteurs essentiels du processus de formation continue des équipes, de l’inspection, et de tous les acteurs du système éducatif. Il est inutile, voire contre-productif, de former les enseignants et formateurs  à de nouvelles pratiques si l’organisation et l’institution dans laquelle ils travaillent ne permettent pas de les mettre en œuvre.

Former les personnels de direction et des enseignants en capacité d’animer ces collectifs au sein des établissements

Animer de tels collectifs suppose à la fois :

  • une bonne connaissance de l’appareil de formation (rénovations, référentiels…),
  • de solides connaissances en pédagogie au plus près des travaux récents en sciences de l’éducation
  • et des compétences en gestion de projet et animation de groupe dans un cadre bienveillant et sécurisant.

Pour animer ces collectifs au sein des établissements, il est nécessaire de professionnaliser et d’accompagner les personnels de direction ainsi que des personnes volontaires, identifiées à la fois au niveau local et régional. Dans ce dernier cas, il est nécessaire de reconnaître cette mission en leur apportant une  légitimité : lettre de mission et indemnité spécifique ou  décharge horaire. Des dispositifs expérimentaux mis en place par le Dispositif National d’Appui (Initiatives CAPa, Pepieta…) montrent l’importance de ces relais locaux, dont la professionnalisation est indispensable, le DNA ne possédant pas un effectif suffisant en ressources humaines pour jouer ce rôle en direct  auprès de l’ensemble des équipes.

Affirmer que la formation continue des enseignants est constitutive du métier

A ce titre le Sgen-CFDT est favorable à une forme de valorisation des agents qui s’inscrivent dans une dynamique de formation continue tout au long de leur carrière. Le droit à la formation doit être effectif et aisément mobilisable. La formation continue des agents doit être conçue comme un dispositif et non comme un simple catalogue, façon saupoudrage.  Elle devrait permettre à chaque agent d’entrer dans une démarche portefeuille de compétences, qui puisse être valorisée dans un parcours diplômant.

Les lois relatives à la formation professionnelle et à la modernisation du dialogue social de 2014 et 2016 ont généré des acquis sociaux : accès plus rapide et plus aisé à la procédure VAE et aux prestations d’accompagnement, entretiens professionnels, mobilisation de services d’orientation tout au long de la vie et de conseil en évolution professionnelle. Les établissements de formation professionnelle  agricole contribuent à la mise en œuvre de ces mesures et les centres de formation pour adultes ont le souci de développer une offre éligible dans le cadre du compte personnel d’activité, nouvellement créé. Cependant, les personnels fonctionnaires et contractuels de droit public de nos établissements ne doivent pas être les grands perdants des axes de modernisation récemment légiférés et activables pour les salariés de droit privé.

Les enseignants et formateurs de l’enseignement agricole public ont droit à la formation tout au long de la vie.

Le Sgen-CFDT revendique une mise en œuvre de ce droit avec équité.

Les méthodes, dispositifs, outils, modalités doivent être modernisés.

 

Références 

Charbonnier Eric – La formation des enseignants au centre des réformesCafé Pédagogique du 13 mai 2015.

Feyfant Annie (2013). L’établissement scolaire, espace de travail et de formation des enseignants ? Dossier de veille de l’IFÉ, n°87

LOI n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale

LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours

Mons Nathalie. La leçon de Pisa : S’appuyer sur les collectifs enseignants Café pédagogique du 8 Décembre 2016

Rapport de DGER –Inspection (Octobre 2014) – La formation continue des enseignants

Rapport du Comité National de suivi de la réforme de la formation des enseignants et personnels d’éducation (novembre 2016) – Vers un nouveau modèle de la formation tout au long de la vie

Reverdy Catherine, Thibert Rémi (2015). Le leadership des enseignants au cœur de l’établissement. Dossier de veille de l’IFÉ, n°104