L’EPS au coeur des enjeux de santé publique, vraiment ?

La santé des jeunes est un sujet sociétal, qui dépasse la question de la sédentarité… La réponse à la sédentarité dépasse amplement la question des Jeux Olympiques et de la pratique sportive fédérale. Le Sgen-CFDT réaffirme les enjeux pour l'EPS et l'AS.

Les deux heures supplémentaires de sport au collège qui seront déployées à la rentrée 2023 apparaissent vraiment comme un remède inadapté au diagnostic posé sur les enjeux de santé publique et de décrochage des activités physiques des collégiens.

Lier sport à l’école et jeux olympiques : effet d’aubaine….

Dans une tribune parue dans le journal Le Monde, le ministre affirme que « c’est l’école qui sera le socle le plus solide sur lequel nous allons construire l’héritage sportif des Jeux. Le développement de l’activité physique et sportive à l’école est un objectif commun prioritaire. C’est là que nous concentrerons nos efforts dans les mois à venir, notamment pour lutter contre la sédentarité, bombe à retardement sanitaire qui menace nos enfants ».

Pour le Sgen-CFDT, la santé des jeunes est un sujet sociétal à part entière, de santé publique, qui dépasse la question de la sédentarité, et mériterait une réflexion plus globale.
Par ailleurs, la question de la sédentarité est aussi un sujet. Mais la réponse dépasse amplement la question des Jeux Olympiques et de la pratique sportive fédérale… De même que la question des discriminations et de l’accessibilité à tous et toutes, problématique elle aussi intégrée à ce paquet cadeau.

Imaginer mobiliser des élèves en rupture avec l’activité physique, et donc bien souvent avec son modèle dominant sportif, en proposant plus de sport… nous interroge.

Enfin, ces enjeux sociétaux de santé publique posés au sein de l’école et des collèges, mais pensés avec des acteurs extérieurs à l’école, génère une nouvelle fois une grande confusion. Ces dispositifs risquent en outre d’affaiblir les propositions faites au sein du collège par les enseignants d’EPS en matière d’activités physiques.

Un dispositif sportif en + pour un public en retrait des activités physiques = résultat incertain

« La mesure s’adresse ainsi prioritairement, à la rentrée 2023, aux élèves les plus éloignés d’une pratique physique ou sportive régulière, et tout particulièrement les élèves qui ne sont pas inscrits à l’association sportive scolaire ou dans une structure sportive. »
Dans cette même logique d’ajout de soutien, d’aide… à ceux qui décrochent, on propose d’ajouter des heures. On invente de nouveaux dispositifs sans même se questionner sur les raisons de ce retrait pour ce public, et sur la façon de renforcer l’offre existante en diversifiant les approches, et en la rendant accessible de fait, à toutes et tous.

La problématique de ces adolescents qui ne trouvent pas forcément de sens aux activités proposées à l’AS ou dans les clubs alentours, et/ou qui n’y ont pas accès mérite d’être développée.

  • Quel rapport au corps entretiennent ces adolescents ?
  • Quel rapport au corps pose la société dans son ensemble ?
  • Quel rapport au corps propose l’école dans son ensemble ? (avec, par exemple, ces 6h de position assise par jour, et des récréations de 10 minutes.)
  • Pourquoi ces jeunes ne se retrouvent-ils pas dans l’offre existante ?
  • Quelles appétences peuvent leur offrir l’école puis le collège pour trouver goût aux pratiques physiques, artistiques et manuelles dans leur ensemble ?
  • Le modèle sportif des fédérations répond-il aux aspirations de ces jeunes ?
  • Comment s’articule l’ensemble des offres municipales ?
  • Quels sont les besoins de ces jeunes pour s’équilibrer (si la santé est considérée comme globale et résultant d’un équilibre dynamique entre toutes les dimensions humaines) ?
  • Quelles sont leurs habitudes en terme de sommeil, d’alimentation, etc ?
  • Si le besoin d’activité physique est envisagé, qu’en est-il des besoins de repos, de calme, de créativité, d’attention, d’affection… ?
  • Comment prendre en compte le souhait de certains jeunes de pratiquer hors structure fédérale ou associative, dans des activités urbaines ou de pleine nature, ou des activités artistiques ?

Ces questions, et bien d’autres, devraient effectivement être posées au sein de l’Education nationale d’une part et au sein des collectivités d’autre part pour faire évoluer leurs regards sur les jeunes, leurs offres et leurs approches.
Mais occulter ces questions pour proposer un nouveau dispositif, offrant plus de la même chose, nous interroge… et nous laisse faire l’hypothèse d’un résultat incertain.

L’EPS et l’Association sportive : atout et espace pour mobiliser les jeunes, susciter une adhésion, réfléchir sur les pratiques

Ces questions mériteraient donc d’être posés en équipes au sein des collèges pour notamment améliorer nos propositions en EPS et à l’AS.

Mais aujourd’hui, en EPS, de nombreux collèges ne sont pas en mesure d’assurer l’ensemble des champs d’apprentissages du fait de manques d’installations, de personnels et de formation.

Le savoir nager par exemple, du fait du manque d’accès aux piscines, et d’encadrement (un enseignant pour une classe, quel que soit le nombre de non nageurs…) reste une priorité à défendre. De même que l’enseignement de pratiques de pleine nature, qui reste compliqué à proposer.
Aider également les enseignants, les équipes et les familles à accompagner les jeunes qui rencontrent des difficultés, voire des appréhensions dans l’engagement corporel, quel qu’il soit, le développement de pratiques artistiques ou corporelles non sportives pouvant parfois être une porte d’entrée différente pour les apprentissages moteurs. Ce travail demande du temps et de la formation pour les équipes. On pourrait en dire autant de la place du vélo et des APPN.

  • Pourquoi ne pas commencer par subventionner davantage les AS d’établissement pour leur permettre d’évoluer (achat de matériel, sorties, …) ?
  • Pourquoi ne pas prioriser l’accès aux installations pour les pratiques de l’AS ?
  • Pourquoi ne pas offrir, dans l’emploi des élèves dits « en retrait », un temps pour pratiquer une activité physique de leur choix, voire eux-mêmes proposer des activités corporelles, manuelles, qu’ils souhaiteraient pratiquer ?

Repenser la place du corps à l’école et reprioriser l’EPS et l’AS au collège, voilà plutôt où devrait porter l’effort de santé publique, plutôt que sur la possibilité de dégager du temps pour de nouveaux dispositifs.