La réforme de la voie pro devait être progressive. La deuxième séquence de dialogue social est finalement tronquée et trahit la pression exercée par le Président de la République sur un ministère de tutelle qui a perdu tous ses arbitrages.
La réforme de la voie pro est engagée depuis le dernier trimestre 2022. La concertation de quatre groupes de travail devait se poursuivre par des discussions avec les organisations syndicales. Lors de la réunion conclusive des groupes de travail du 27 janvier dernier, la ministre déléguée affirmait sa volonté de poursuivre les discussions dans un cadre progressif et coconstruit avec les organisations syndicales.
Cette deuxième phase subit un coup d’accélérateur qui balaye d’un revers de la main ses déclarations.
- La faute du Président de la République : avoir imposé dès le début ses propres solutions sans se préoccuper de la problématique réelle de la voie pro.
- La faute du ministère de tutelle : avoir annoncé la mise en place d’un accord de méthode pour fixer les conditions du dialogue social sans en mesurer la portée.
Le ministère et ses services ont été dans l’incapacité d’exploiter les 200 propositions sorties des 3 premiers mois de concertation. À l’issue de celle-ci, et à force de compromis politiques et d’arbitrages, il n’a été retenu que les solutions énoncées par le PR lors de sa campagne présidentielle.
Pour le Sgen-CFDT, trop de lignes rouges ont été franchies tant sur la méthode que sur le fond.
Réforme de la voie pro : simulacre de dialogue social
En acceptant de rentrer dans les discussions, la CFDT (Confédération, fédération Sgen-CFDT et FEP CFDT) exigeait en contre-partie un dialogue social sérieux et sincère. En s’engageant dans les discussions, la CFDT a joué son rôle d’acteur social responsable. Un grand nombre de propositions portées par la CFDT figuraient d’ailleurs dans la synthèse des GT.
Sur l’ensemble du processus, et contrairement à d’autres, nous sommes légitimes pour critiquer et dénoncer cette imposture. Pour la CFDT, l’exécutif est coupable d’avoir organisé un simulacre de dialogue social sous couvert de démocratie participative, décrédibilisant par là même le travail de son ministère de tutelle.
Le ministère de tutelle déclarait que le lycée professionnel ne peut répondre aux besoins des entreprises à court terme. Il doit inscrire les élèves dans un parcours.
Force est de constater que ces déclarations sont balayées par la volonté du Président de la République de répondre aux demandes des entreprises, sans tenir compte des réalités du terrain.
Le Lycée professionnel, un lieu d’exercice particulier
Pour la CFDT, le lycée professionnel répond aujourd’hui à des exigences sociales et éducatives très importantes. Tous les personnels tentent de répondre à ces exigences, dans un environnement de travail complexe et inclusif. La réforme de la voie pro doit prendre cela en compte pour améliorer les conditions de travail des élèves et des personnels.
Le Sgen-CFDT exige pour tous les personnels une reconnaissance indemnitaire significative à la hauteur du niveau de complexité de leur lieu d’exercice.
Les principaux acteurs du changement sont les personnels. Or, le pacte enseignant « pour mieux rémunérer les enseignants qui s’engageraient volontairement dans de nouvelles missions » efface la dimension collective du travail. La reconnaissance unilatérale des personnels, qui œuvrent chaque jour pour dispenser un service public de qualité, n’est pas suffisante. Espérer transformer le système en rémunérant plus celles et ceux qui accepteraient d’accomplir des missions que chacun·e effectue déjà, est une véritable ligne de rupture pour le Sgen-CFDT.
Le Sgen-CFDT continue à revendiquer une pondération pour l’ensemble des PLP et dénonce la politique individualiste ultra libérale portée par ce pacte.
Une réforme de la voie pro déconnectée des réalités de terrain
Ce ministère méconnaît la culture et l’identité professionnelle des enseignants, ainsi que des conditions de pilotage des établissements. La modularité des PFMP en fonction du projet des élèves en terminale Bac pro présente des risques majeurs :
- Une pression certificative accentuée sur l’année de terminale avec des « examens terminaux plus tôt dans l’année ».
- Une sur-sollicitation des entreprises et des stages au rabais. Les départs massifs en entreprise des élèves de terminale au même moment, sans prise en compte des spécificités des filières professionnelles, pose question.
- Un décrochage scolaire après les 6 semaines de PFMP obligatoires pour les élèves qui n’ont pas vocation à s’insérer.
- Une formation raccourcie si le stage de fin d’année ne s’inscrit pas dans le prolongement de la formation avec un rôle déterminant des enseignants dans l’évaluation.
Gratification : de l’argent public mal employé
Le Sgen-CFDT n’était pas demandeur de cette mesure de gratification des élèves pendant leurs P.F.M.P.
Nous regrettons vigoureusement que cette mesure ait échappé à tout dialogue social. Aucune étude d’impact sur les conséquences et les effets d’une telle mesure n’a été réalisée et présentée aux partenaires sociaux. Si gratification il y a, elle doit être prise en charge par l’entreprise. L’argent public doit d’abord aller aux établissements et aux personnels, au service de la réussite des élèves.
Les grands oubliés de la réforme
- Les classes de CAP : les propositions retenues oublient l’inclusion scolaire et l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers.
- La définition des diplômes et des référentiels : les épreuves en mars nécessitent des adaptations importantes.
- Les freins à l’apprentissage : les propositions ne traitent pas des moyens d’accueil des apprentis en sections mixtes. Rien sur les D.H.G. et les conditions de travail des personnels !
- La notion de parcours de formation : l’année post-diplôme disparait des propositions. Seule l’idée de mention complémentaire (MC) serait proposée.
Le Sgen-CFDT continuera à revendiquer
- Des moyens renforcés pour répondre à l’augmentation du nombre d’élèves à besoins particuliers. La mise en place de pôles santé-sociaux éducatifs et pédagogiques dans tous les LP.
- Des décharges de service pour les collègues PLP qui s’engageraient comme référents décrochage, handicap, FLE.
- Une revalorisation indemnitaire des titulaires de certification en lien avec la prise en charge de ces problématiques.
- Une révision urgente des exigences certificatives et des définitions des diplômes en bloc de compétences ; la construction de parcours de formation toute au long de la vie ; la préparation des jeunes à anticiper les mutations des métiers.
- Le renforcement de la pédagogie de l’alternance : garantir une qualité des stages ; favoriser un meilleur accueil par les entreprises ; permettre le suivi et l’exploitation par tous les enseignants (professionnel et général).
- L’année supplémentaire doit être intégrée dans le service des enseignants comme le prolongement des formations proposées en LP.
Au final, les annonces centrées sur le décrochage scolaire, et la réponse aux attentes des entreprises, ne laissent que peu de place à la reconnaissance des personnels et à leurs conditions de travail.