La transmission de connaissances pour prendre soin de soi doit se faire à l'école, et pour tous, dès le plus jeune âge. Les médecins de l'Éducation nationale veulent continuer à agir pour la promotion de la santé auprès de tous les élèves.
La loi de modernisation du système de santé, le président Macron, et encore récemment notre ministre de la santé, affirment tous que la prévention est une priorité.
La prévention, un concept à clarifier et une remise en question des pratiques
Cependant la nouvelle loi santé reste centrée sur quelques actions phares : le dépistage de certaines maladies, les vaccinations, quelques examens systématiques de santé que l’on a du mal à réaliser actuellement de façon systématique, faute d’acteurs et de budget. Et les moyens budgétaires pour la prévention (5,9% des dépenses de santé, selon la ministre) se concentrent essentiellement sur les dépistages et les actions ciblées contre les vecteurs nuisibles à l’état de santé.
Or, « agir pour » plutôt que « lutter contre », en promouvant des conduites adaptées, dès l’enfance, serait certainement plus efficace.
Prévenir pour améliorer le niveau de santé : c’est avant tout à l’école qu’il faut agir
Les vecteurs essentiels de la santé de chaque citoyen de demain sont : l’apprentissage de conduites adaptées pour conserver et développer son capital santé, la construction de l’estime de soi, l’acquisition d’habilités sociales pour faire face à ses pairs et à ses difficultés, et la réussite scolaire. La transmission de connaissances pour prendre soin de soi doit se faire à l’école et pour tous, dès le plus jeune âge, avec un discours adapté au développement psychoaffectif de l’enfant et de ses conditions de vie, à travers des temps d’échange et d’animation pour répondre aux questions soulevées par les conduites et les problématiques des élèves. Cela devrait être un droit assuré à chaque élève, qui ne saurait dépendre d’acteurs présents ou pas, de défaut de coordination entre les instances et les tutelles. Or, l’école compte peu de personnels ayant les compétences pour prendre en charge ce type d’animation. Faute de personnel disponible et formé, les trois séances collectives qui doivent être organisées annuellement concourant à l’éducation à la sexualité dans les domaines affectifs, psychologique et social ne sont pas en place, malgré la circulaire du 17 février 2003.
Des actions et des acteurs souffrant d’un manque de coordination
Les priorités de santé de l’éducation nationale sont restées fixées par des circulaires sur les questions liées à la sexualité, aux conduites addictives, à la nutrition et à l’activité physique, à la visite médicale de 6 ans… Le parcours éducatif de santé n’a été introduit que récemment, complétant le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Dans ce nouveau cadre, intégrant toujours les mêmes priorités, il est difficile (si ce n’est impossible) de donner un sens à la succession des actions de prévention proposées de la maternelle au lycée. Les actions se réalisent rarement sur des besoins diagnostiqués mais plutôt sur l’offre des associations de prévention disponibles, ou les contacts des fédérations de parents d’élèves. En l’absence de réelle coordination, les actions de prévention sont malheureusement redondantes pour certains élèves (ou carrément absentes pour d’autres), ciblées trop fréquemment sur les risques (alcool, tabac, drogues, accidents de la route, écrans…)
Les médecins de l’éducation nationale, porteurs d’un autre concept de prévention
Or aujourd’hui, la santé à l’école n’est plus une santé hygiéniste, de dépistage systématique : elle trouve sa raison d’être dans la construction d’un climat favorable au bien être et à la réussite de chaque élève, comme vecteur de santé du citoyen de demain. C’est cette politique qui a été portée par les médecins du service de promotion de la santé en faveur des élèves : une médecine de prévention, pour tous, qui s’assure de l’adaptation de l’élève fragile à son environnement et vice-versa. Visant à anticiper les problématiques, cette médecine de prévention permet aussi d’assurer des diagnostics sinon révélés trop tardivement par un échec scolaire ou un mal être, et de redonner ainsi une chance à l’élève de réussir et de regagner l’estime de soi, véritable facteur de prévention des conduites à risque. L’orientation précoce des élèves aux besoins éducatifs particuliers vers des prises en charge médicales ou de rééducation adaptées, après un diagnostic médical (et non avant !), tout comme la formation des personnels pour une école inclusive et de la réussite pour tous, participe d’une médecine de prévention à part entière servant le citoyen de demain, comme toute la collectivité.
Finalement, la prévention de demain…
En valorisant le bien-être et la réussite, tout en assurant la promotion du capital santé, on ne se focalisera plus systématiquement sur les conduites à risque. Celles-ci peuvent faire partie de l’adolescence, mais prennent aussi leur source dans le mal-être, les conditions de vies difficiles, et l’absence d’éducation à la promotion de la santé dès le plus jeune âge.
Les acteurs de prévention non médicaux sont désormais très nombreux, alors que les médecins experts en santé publique et en prévention disparaissent : or, ces derniers sont les seuls en capacité d’organiser et de coordonner la prévention pour la mettre enfin en ordre de marche… Avant tout parce qu’ils ont été formés au pilotage de projet de santé publique, parce que la santé, c’est leur priorité et la seule, parce qu’ils sont libres de toute influence financière et lobbying pour décider d’une politique de prévention adaptée aux besoins des usagers, parce qu’ils ne sont pas, eux, financeurs et évaluateurs en même temps des politiques de préventions qu’ils peuvent mettre en place….
Le rapport Flajolet sur la prévention, en 2008, dénonçait déjà le préjudiciable enchevêtrement des compétences et des missions de prévention. Il misait aussi sur une action renforcée des médecins traitants, mais 10 ans plus tard, on s’aperçoit que ceux-ci peinent à prendre le temps nécessaire pour une visite médicale globale de prévention au milieu des demandes de guérison et des contraintes administratives. Les actes remboursés en faveur de la prévention voient à peine le jour et restent extrêmement limités.
L’espoir donné par les propos de la ministre de la santé, des inquiétudes aussi…
La ministre de la santé a clairement énoncé la priorité donnée à la prévention. Pour autant, arrivera-t-elle à faire en sorte que les médecins de l’éducation nationale soient considérés comme des acteurs essentiels dans la construction de la politique de prévention, puisque ceux ci ne sont pas sous la tutelle du ministère de la santé ?
Les médecins de l’Éducation nationale veulent retrouver une cohérence dans leurs missions de service public auprès de tous les élèves et continuer à agir pour la promotion de la santé. Ils doivent donc pouvoir articuler leurs activités avec les autres acteurs du service sanitaire, au-delà des clivages des instances et des ministères. Acteurs aujourd’hui malgré eux du renforcement des inégalités sociales et territoriales de santé, les médecins scolaires, soutenus par la communauté éducative, souhaitent réellement que le ministère de l’Éducation nationale, sinon le ministère de la santé lui-même, se dote de moyens budgétaires à même de mettre en œuvre une vraie politique de santé publique, individuelle et collective.