Le projet d’organisation du lycée présenté aujourd’hui, comme celui sur le bac le mois dernier, n’est pas à la hauteur des enjeux. Il ne redonne pas sens à l’enseignement au lycée et ne construit pas le premier étage du continuum bac -3 / bac+3.
Le projet d’organisation du lycée n’est pas à la hauteur des enjeux
Le projet d’organisation du lycée présenté aujourd’hui, comme celui sur le bac le mois dernier, n’est pas à la hauteur des enjeux. Il ne redonne pas sens à l’enseignement au lycée et ne construit pas le premier étage du continuum bac -3 / bac+3. Il est une nouvelle fois très éloigné du programme présidentiel d’un lycée modulaire. Pire, il marque à bien des égards un retour en arrière malgré, il faut le relever, quelques points intéressants comme l’esquisse de modularisation avec la mise en place de blocs horaires de 4 et 6h dans le cycle terminal et une définition de l’Accompagnement Personnalisé (AP) en termes de compétences et d’autonomie.
Les remontées des personnels sur le travail en seconde, que le rapport Mathiot avait d’ailleurs pris en compte, montraient la nécessité de penser en Seconde une période d’accueil, et d’articuler mieux les compétences et connaissances attendues en fin de Troisième et les enseignements de Seconde. On ne peut pas dire que le test de positionnement de début de Seconde, qui fait délibérément table rase du Livret Scolaire Unique, aille dans ce sens-là.
Les principes théoriques du nouveau lycée reposent sur le choix de spécialités en fin de seconde, sur la construction d’un parcours d’orientation et sur la projection vers l’enseignement supérieur. Mais en même temps les enseignements d’exploration sont supprimés sans qu’on ait cherché à les faire évoluer. C’est pour le moins étonnant si on se rappelle leurs objectifs : faire découvrir aux élèves des champs disciplinaires nouveaux (connaissances et méthodes), leur apprendre à identifier les activités professionnelles auxquelles ces cursus peuvent conduire, les préparer à choisir une série (mais ça aurait pu être des enseignements de spécialité) en Première et leur donner des éléments d’information sur les filières de l’enseignement supérieur. Et c’est d’autant plus étonnant que ce dispositif n’est remplacé par rien d’équivalent. Résultat prévisible, ce sera dans le cadre des enseignements communs que se fera intégralement la détermination des enseignements de spécialité, avec, du coup, des programmes orientés dans cette logique. Et les enseignants de Seconde se retrouveront dans la même injonction paradoxale qu’aujourd’hui, d’avoir à assurer un enseignement qui doit être à la fois commun mais triant.
Une vision du métier enseignant globalement problématique
La vision du métier enseignant portée par ces textes est d’ailleurs globalement problématique pour notre organisation. En effet toutes les modalités de travail pédagogiques un tant soit peu innovantes semblent écartées ou renvoyées en périphérie du lycée. C’est le cas des enseignements d’exploration en Seconde, on l’a déjà évoqué. C’est le cas aussi de la pédagogie de projet dans la voie G puisque les TPE sont supprimés pour être remplacés par un grand oral de plus en plus évanescent, sans horaire dédié ni obligation d’être travaillé sur un temps long. C’est le cas enfin de l’AP, centré sur une nouvelle version de l’Aide Individualisée en Seconde et renvoyé à des marges horaires particulièrement insuffisantes en cycle terminal.
Les intitulés des nouveaux enseignements, on peut citer notamment HG Géopolitique et Sciences politiques, laissent également perplexes : ne va-t-on pas vers des enseignements plus juxtaposés qu’interdisciplinaires ?
Pour le Sgen-CFDT la nouvelle organisation du lycée est bien structurée en fonction d’une vision traditionaliste du métier enseignant, recentrée sur le triptyque « une heure disciplinaire, un professeur, une classe » et la pression de la note induite par le nouveau bac. Est-ce ainsi qu’on va redonner du sens au travail enseignant, est-ce ainsi qu’on espère préparer les futurs bacheliers à un enseignement supérieur autre que celui des CPGE ?
Éducation à l’orientation : une menace sur la qualité de l’information donnée aux lycéens
Et ce ne sont pas les 54h d’éducation à l’orientation qui vont répondre aux enjeux de la continuité lycée–post bac, tant elles contiennent d’incertitudes. Il n’y a d’abord pas de garantie en termes de moyens, puisqu’il s’agit bien d’heures élèves et non d’heures professeurs. Il y a ensuite une externalisation précipitée de cette éducation à l’orientation vers la Région, avant même le début de la procédure parlementaire sur la loi « choisir son avenir professionnel », qui est d’autant plus incompréhensible qu’elle raye de la carte le Parcours avenir qui avait vocation à se déployer en lycée. Il y a enfin une menace qui pèse sur la qualité de l’information qui sera donnée aux lycéens. En effet, d’une part le démantèlement annoncé du réseau ONISEP met en péril l’existence de sa base de données IDEO pourtant reconnue pour sa qualité, et d’autre part la fermeture annoncée des CIO prive les usagers d’un réseau de proximité pourtant précieux.
Séries technologiques
Un mot pour finir sur les séries technologiques. Il est pour le moins incohérent, alors qu’elles ont été maintenues au nom de leur spécificité, de vouloir d’une part rogner leurs moyens et d’autre part adapter à toute force et précipitamment leur architecture à celle de la voie générale.
Si on sait que le calendrier électoral implique symboliquement pour le gouvernement la mise en place du nouveau bac général en 2021, il est encore possible pour la voie technologique de suivre les préconisations de l’inspection générale dans leur rapport de l’an dernier : prendre le temps de la réflexion pour réformer ces séries…