Bac de français : les réponses du rectorat sur les conditions de travail des profs de lettres

Vendredi 30 septembre nous avons été reçus au rectorat à la suite de notre interpellation du recteur sur les conditions de travail lors des Épreuves Anticipées de Français.

bac de françaisBac de français : on interroge le jour, on corrige la nuit !

Suite à notre enquête sur les conditions de travail des correcteurs du bac de Français, nous avons été reçus par M. Klipfel, Secrétaire général d’académie adjoint, M. Séguinaud, directeur de la DEC Division des Examens et concours et Mme Martinet, IA-IPR de lettres. Nous avons fait le point sur la situation de la dernière session au moment où tout est encore organisable pour mieux engager la session à venir.

Des constats alarmants qui s’accumulent et se répètent chaque année lors du bac de français

La période du mois de juin est particulièrement chargée surtout sur la période de correction des écrits en parallèle des passations des oraux.Pour caricaturer, on interroge le jour et on corrige la nuit : la charge de travail est décuplée.

C’est une période de forte intensité sur tout le mois de juin avec la fin de l’année et le programme à finir, les conseils de classe, les épreuves et oraux de BTS, le grand oral, le convocations supplémentaires pour missions particulières ;

M. Séguinaud concède que la période est très chargée et que les missions s’accumulent et se chevauchent avec un vivier restreint d’agents disponibles. M. Klipfel confirme que les arrêts maladie sont en hausse durant le mois de juin dans la discipline. Le calendrier national n’est cependant pas du ressort de l’académie.

Nous précisons cependant qu’il est de leur ressort de le mettre en œuvre de manière efficace et respectueuse des conditions de travail et que l’anticipation des échéances est insuffisante en l’état actuel. Si on dégrade les conditions de travail alors que les effectifs sont déjà limités, ce n’est pas une surprise si les arrêts se multiplient. C’est un signal qui doit alerter plutôt qu’une situation à déplorer !

 

Des délais incompréhensibles et qui mettent en difficulté les personnels

Les convocations pour les examens, notamment les oraux, arrivent extrêmement tard ce qui occasionne des RPS (Risques psycho sociaux) en terme d’organisation du travail et d’organisation personnelle du fait, notamment, de l’incertitude sur l’éventualité d’une convocation ou sur le lieu de convocation.

Les documents récapitulatifs sont envoyés à la DEC dans la dernière quinzaine de mai pour n’être diffusés aux examinateur.trices que le 20 juin cette année : ce délai est difficilement compréhensible et générateur de stress car le temps de préparation est conséquent. Cette année, les copies à corriger et les récapitulatifs à travailler sont arrivés le même jour.

Le logiciel de répartition des récapitulatifs ne peut être utilisé que lorsque tous les documents sont arrivés et il y a chaque année des retards importants qui bloquent la répartition. C’est là que se pose la question du nombre insuffisant de personnels qui intervient à la DEC durant la période des examens !

Il est nécessaire de pouvoir relancer rapidement les établissements mais cela est rendu impossible par le manque de personnels ! Il serait aussi possible de demander un peu plus tôt la remontée du récapitulatif mais cela doit être clairement annoncé aux enseignant.es pour pouvoir anticiper.

M. Séguinaud nous précise que les personnels convoqués tardivement le sont parce qu’ils sont dans la 3ème ou la 4eme vague de convocation lorsque les collègues initialement convoqué.es informent la DEC de leur absence (10 à 20 % selon les années)

Si nous comprenons la situation, cela n’est cependant pas plus acceptable pour les personnels. Là encore, il faut anticiper autant que possible en prenant en compte cette donnée !

Une charge de travail inutilement augmentée

La charge de travail a été encore augmentée lors de cette session : chaque candidat.e présente une œuvre étudiée durant l’année et échange à ce sujet durant 8 minutes avec l’examinateur.rice. Chaque classe prépare ainsi au minimum 8 œuvres intégrales. L’an passé, les examinateur.rices connaissaient à l’avance les œuvres choisies par les candidats et pouvaient ainsi se préparer précisément. Cette année, il n’y a plus eu mention des œuvres choisies et cela a d’autant multiplié la préparation, parfois en vain, sur les œuvres.

Mme Martinet, IA-IPR explique que cette suppression relève d’un choix pédagogique national car cela permet au correcteur de mesurer la capacité du candidat à rendre compte d’une œuvre sans avoir besoin de répondre à des attentes d’un spécialiste de ladite œuvre.

Nous ne pouvons nous excuser de vouloir faire notre travail de manière professionnelle et de vouloir maîtriser a minima une œuvre pour pouvoir en parler aisément avec le ou la candidat.e !

Pouvoir faire un travail de qualité est une satisfaction que nous vivons trop peu durant cette période et cela n’est acceptable ni pour les personnels, ni pour les candidat.es ! Nous avons proposé d’indiquer sur le récapitulatif la liste des œuvres qui ont été choisies et cela a été retenu.

Des jours d’interrogations orales sous forme de parcours d’obstacles

Les conditions de travail lors des oraux de l’EAF sont difficiles lorsque les collègues se retrouvent seul.es face à leurs candidat.es qui préparent et qui passent en parallèle. Pour le grand oral, la mise en loge des candidats sur le temps de préparation est la norme. Pour l’EAF, il n’y a eu que quelques établissements qui ont mis cela en œuvre cette année, malgré la recommandation des IPR et de la DEC.

L’accueil, selon les établissements, est très différent. Certain.es collègues font état d’un sentiment d’abandon dans des bâtiments déserts, sans aucun recours en cas de souci (banal passage aux toilettes, malaise d’un candidat ou de l’examinateur.rice, triche, problème de laïcité). La mise en loge pour l’EAF a bien été demandée et figure dans les textes ministériels. Nos interlocuteurs ont été surpris d’apprendre que cela n’avait pas été appliqué partout avec des explications diverses et variées de la part des établissements.

Nous insistons sur cette mesure qui améliore considérablement les conditions de travail et qui est rendue matériellement possible du fait que les collègues n’ont plus de copies à corriger dans les autres disciplines.Il nous est rappelé qu’un Vade mecum des examens est édité par la DEC et qu’il contient des éléments précieux pour les examinateur.rices notamment concernant les conditions concrètes et les relations avec le ou la chef.fe de centre.

Il nous semble important que les éléments les plus importants soient transmis lors des réunions d’entente et que les conditions d’accueil dans les établissements soient enfin améliorées !

La quotité de travail des personnels  : une inconnue pour la DEC !

Les quotités de travail ne sont pas prises en compte dans la charge de correction du bac de français. Les collègues à temps partiel, déchargé.es ou bénéficiant d’une RQTH ne se voient pas reconnaître la particularité de leur situation

La base de travail que reçoit la DEC précise pour chaque collègue les niveaux d’enseignement mais pas la quotité effectuée ! C’est tout simplement un paramètre invisible pour eux alors que c’est un élément central pour tout agent à temps partiel ! Chaque service académique travaille avec une base de travail qui ne devrait lui rendre accessible que les informations utiles et celle-ci n’a pas été jugée pertinente !

Il nous semble nécessaire de remédier à cela pour cesser de mettre les collègues en difficulté !

Finalement, est-ce possible de travailler dans de bonnes conditions pour le bac de français ?

Il nous est dit chaque année qu’il n’y a pas assez de correcteur.rices notamment dans le Haut-Rhin : est-on sûr que les listings sont à jour et que tout ceux et celles mobilisables le sont ? S’il n’y a pas assez de personnels disponibles sur un temps donné, il convient de s’interroger sur l’allongement du temps imparti !

Le calendrier des examens doit être revu au sein de l’académie malgré la contrainte ministérielle mais c’est surtout l’harmonisation des convocations qui semble compliquée !

Il nous semble que les services ne sont pas outillés pour avoir une vue d’ensemble ce qui occasionne des convocations concomitantes (un jury de BTS sur le mercredi entre les 4 jours d’oraux par exemple…).

Le logiciel de correction Santorin n’est pas non plus paramétré pour avertir un agent qu’un lot supplémentaire lui a été attribué ! Ce sont les IPR qui surveillent le logiciel pour savoir si le lot a été ouvert ! Là encore, trop peu de personnels administratifs et des outils informatiques mal calibrés mènent à une situation délétère !

En outre, cette année la DEC a cherché à convoquer les personnels dans un rayon de 40km à partir de leur résidence privée, ce qui a d’ailleurs occasionné le déficit d’agents dans le Haut-Rhin. Nous convenons qu’il s’agit d’une volonté louable mais que cela crée également des difficultés dans le département sous-doté : il conviendra d’affiner cela.

L’année de la marmotte : ça fait combien de temps qu’on accepte de souffrir en juin ?

L’absence de bilan sur les examens de l’année dernière est frustrant ! Les mêmes problèmes se posent année après année, sans amélioration.

Les personnels enseignants ont vraiment l’impression que tout l’édifice repose ultimement sur elles et eux et qu’ils doivent rattraper les retards et les erreurs accumulés en amont. Un fort sentiment d’abandon et de non reconnaissance de la difficulté s’exprime de la part de collègues qui sont pourtant attaché.es à leur mission au point qu’ils et elles sont parfois prêt.es à mettre leur santé en jeu pour la mener à bien.

Et pourtant le découragement s’insinue d’autant plus qu’année après année augmente le sentiment de devoir souffrir au travail pour, paradoxalement, faire un travail dont on n’est pas satisfait !

Mme Martinet concède que des temps de bilan seraient pertinents et au bénéfice de tout le monde, que ce soit par lycées ou par bassins avec une remontée vers les IPR et la DEC. Nous rappelons que nous souhaitons être acteurs et actrices de nos conditions de travail et que nous avons une expertise que nous voulons faire entendre !

En guise de conclusion : avec le Sgen-CFDT, agir plutôt que subir !

A l’issue de cette audience de plus de 1h30, nous saluons l’écoute qui nous a été accordée et l’esprit constructif qui a nourri nos échanges. Ce bilan était nécessaire pour enfin faire entendre la voix de notre discipline et de ses épreuves anticipées trop souvent oubliées, y compris dans les discours ministériels !

Si l’académie ne peut pas tout, si elle est, de fait, contrainte par les directives et calendriers ministériels, elle a cependant des leviers d’action non négligeables. Sans nier les difficultés que rencontrent les services rectoraux, les examinateurs et les examinatrices sur le terrain ont besoin d’une meilleure préparation de cette période !

Le Sgen-CFDT Alsace poursuivra le dialogue sur ce sujet et nous passons la main à notre fédération pour faire de même au niveau ministériel !

En savoir plus sur l’épreuve anticipée de Français

Epreuves anticipées de français dans l’Académie de Strasbourg : et si on parlait de nos conditions de travail ?!

Bac de Français : faire de la littérature une rencontre artistique

Redonner du sens aux épreuves anticipées de français (Fédération)