La Défenseure des droits, Claire Hédon, commente son rapport sur l’inclusion scolaire des enfants et adolescents en situation de handicap

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a remis en août 2022 un rapport intitulé « L'accompagnement humain des élèves en situation de handicap  » qui formule dix recommandations.

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© Mathieu Delmestre

La Défenseure des droits, Claire Hédon, invitée du mois d’octobre 2022 de Profession Éducation, a détaillé les recommandations émises dans son récent rapport sur l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.

 

Sur la question de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap, qui fait appel à la Défenseure des droits ?

En majorité, ce sont des parents d’enfants qui nous ont adressé des réclamations, rarement les enfants eux-mêmes dont nous aimerions, d’ailleurs, qu’ils nous saisissent davantage directement sur toutes les questions concernant la protection de l’enfance. Il y a eu aussi des professionnels, notamment des enseignants.

L’accompagnement humain des enfants ou des jeunes en situation de handicap concerne 20 % des saisines en matière de droit de l’enfant, dont l’essentiel a trait à des difficultés de scolarisation.

Aujourd’hui, qu’est-ce qui est mal pensé dans la scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap ?

Dans ce processus d’inclusion, c’est à l’ensemble du système scolaire de s’adapter à l’enfant et non l’inverse.

L’inclusion scolaire ne doit pas s’appréhender uniquement sous l’angle de l’accompagnement par un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). Dans ce processus d’inclusion, c’est à l’ensemble du système scolaire de s’adapter à l’enfant et non l’inverse.

Le rapport cite de beaux exemples pédagogiques déployés par des enseignants confrontés à la nécessité de pallier l’absence d’AESH : l’expérience montre qu’adapter intégralement son cours à l’élève en situation de handicap peut profiter à l’ensemble de la classe. Ce renversement de perspective démontre qu’une école plus inclusive bénéficie à tous les élèves.

Et lorsque l’accompagnement par un·e AESH est nécessaire, il doit répondre aux besoins de l’enfant. Or, il ressort de nos investigations qu’un nombre important de notifications des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) octroyant un accompagnement humain ne sont pas exécutées pour des raisons financières ou de pénurie d’AESH. Pour autant, cela ne dégage nullement l’État de ses obligations d’assurer une scolarisation adaptée et effective à ces enfants.

J’ai également été alertée au sujet d’une tendance de certaines MDPH à prescrire une aide humaine mutualisée plutôt qu’une aide individuelle pour faciliter la gestion de la pénurie d’AESH.

Il n’est pas question de nier les progrès réalisés ces dernières années pour favoriser la scolarisation des enfants handicapées : plus de 400 000 de ces enfants sont à ce jour scolarisés en milieu ordinaire et le recrutement des AESH a augmenté de 35 % en cinq ans.

Mais nos observations, qui se fondent sur les réclamations qui nous parviennent, montrent que beaucoup trop d’enfants handicapés ne sont pas scolarisés ou ne le sont qu’à temps partiel. Parmi les autres difficultés récurrentes qui nous sont signalées : l’aménagement des examens et l’accueil des enfants handicapés sur les temps périscolaire et extrascolaire (cantine, étude, loisirs…).

Beaucoup trop d’enfants handicapés ne sont pas scolarisés ou ne le sont qu’à temps partiel

Quels sont vos constats concernant les personnels, et notamment les AESH ?

Le temps prévu pour faire le lien entre enseignants, AESH et parents reste un impensé.

Très nombreux sont les professionnels qui cherchent à bien faire. Mais enseignants comme AESH ne sont pas suffisamment formés aux différentes formes de handicap ni suffisamment accompagnés. Le temps prévu pour faire le lien entre enseignants, AESH et parents reste un impensé.

Une des grandes difficultés pour les AESH réside dans leur temps de travail, qui excède rarement 24 heures hebdomadaires, avec une rémunération de 800 euros. Pour résorber la pénurie d’AESH, il faudrait leur proposer des postes à temps plein et, notamment, faciliter leur intervention sur le temps périscolaire. Cela pose la question des priorités que l’on entend se donner.

Parmi les dix recommandations édictées par le rapport, certaines sont-elles prioritaires ? défenseure des droits

Nos recommandations prioritaires portent un projet global permettant d’aller vers une école réellement plus inclusive. Pour cela, il s’agit notamment de mieux former enseignants et AESH, d’instituer un temps plein d’AESH pour rendre le métier plus attractif et de lui donner du sens en incluant du temps pour dialoguer avec les enseignants et les parents, d’évaluer la pratique des MDPH et des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), de considérer l’importance du temps périscolaire… Notre boussole est l’intérêt supérieur de l’enfant.

Nous avons présenté le rapport aux différents ministères concernés et un suivi des recommandations sera effectué pour s’assurer de leur mise en œuvre.

Notre boussole est l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

Quel est le rôle du·de la Défenseur·e des droits ?

Promouvoir les droits et les libertés, et rétablir les personnes dans leurs droits sont les principales missions du Défenseur des droits.

À partir des réclamations qui nous sont adressées, nous émettons des avis destinés au Parlement, au gouvernement et des rapports qui présentent nos recommandations.

Nous avons cinq domaines de compétences :

• La défense des droits des usagers de services publics (80 % des 115 000 réclamations reçues en 2021).
• La lutte contre les discriminations.
• La protection et la promotion des droits de l’enfant.
• La protection et l’orientation des lanceurs d’alerte.
• Le respect de la déontologie par les forces de sécurité.

Parmi nos moyens d’intervention, figure la médiation (80 % de notre activité) qui aboutit quatre fois sur cinq à un accord entre les différentes parties. Nous pouvons rendre également une décision, c’est-à-dire une analyse juridique réalisée sur le principe du contradictoire et comportant des recommandations. Nous effectuons un suivi de ces recommandations et lorsqu’elles ne sont pas suivies, nous pouvons rédiger un rapport spécial publié au Journal officiel.

Parmi nos moyens d’intervention, figure la médiation (80 % de notre activité) qui aboutit quatre fois sur cinq à un accord entre les différentes parties.

Enfin, nous pouvons émettre des observations, avec une enquête contradictoire, devant les tribunaux (administratifs, judiciaires ou internationaux). En 2021, nous avons été suivis dans 82 % des 172 observations versées.