Lettre d’un prof contre le choc des savoirs

Lettre d'un enseignant alsacien révolté contre la mise en place des groupes de niveau au collège.

 

Voilà 22 ans que j’enseigne avec détermination et bien souvent avec plaisir. Malgré les difficultés du métier, je reste motivé, car les raisons qui m’ont fait le choisir me portent. Si la curiosité de comprendre « comment ça marche » m’habite, ce n’est nullement une passion pour la physique ou la chimie qui a déterminé mon choix.

J’avais la conviction que l’enseignement, par sa contribution à la formation de citoyens éclairés, était un levier déterminant pour faire évoluer nos sociétés vers plus de justice sociale, plus de tolérance et plus de choix collectifs et individuels qui laissent une chance à tous les humains d’avoir la possibilité de vivre en paix et dignement, aujourd’hui et dans le futur.

Au regard de ce qui se passe dans le monde et en France, force est de constater que les enseignants et les éducateurs qui partagent mon ambition ont encore beaucoup de travail, pour ne pas dire qu’ils faillissent si on considère que les évolutions vont dans le mauvais sens par rapport à nos objectifs.

Les annonces du plan « Choc des savoirs » du ministère ont profondément heurté les valeurs pour lesquelles je me suis engagé dans le métier.

La constitution de groupes de niveau sur un tiers du temps d’un collégien n’ira pas dans le sens de la diminution des inégalités liées à l’origine sociale des élèves, qui est pourtant le premier défaut du système français pointé par les enquêtes internationales. Vous êtes certainement plus compétents que moi pour affirmer que la recherche en pédagogie est quasi unanime pour dire que la constitution de groupes de niveau n’est pas efficace pour diminuer les écarts, bien au contraire.

La philosophie de cette réforme ressemble pour moi fortement à du tri social et à de la ségrégation scolaire. Cela m’indigne, et il n’est pas envisageable pour moi d’y participer. Si ces groupes de niveau généralisés devaient voir le jour, j’en tirerais les conséquences à l’avenir sur la suite de mon engagement au sein de l’Éducation Nationale. Cette lettre est une action individuelle de ma part qui complète mon engagement collectif contre les groupes de niveau. Je vous laisse juge de son intérêt pour vous et n’attends pas de réponse de votre part.

Je vous remercie pour l’attention que vous y aurez portée.

Non à l’école du tri, non au choc des savoirs : les actions de la CFDT dans l’Éducation