Loi « pour une école de la confiance », et maintenant ?

La Commission mixte paritaire a trouvé un consensus sur les différents articles de la Loi lors de sa réunion le 13 juin. Après un parcours pour le moins chaotique, la Loi "Pour une école de la Confiance" va donc pouvoir être promulguée. Pour le Sgen-CFDT, il faudra rester vigilant par la suite.

Loi pour une école de la confiance - le texte à l'issue de la commission mixte paritaire - Assemblée Nationale - SénatLa Commission Mixte Paritaire (réunissant des représentants des deux assemblées) a statué le 13 juin 2019 pour aboutir à un consensus sur les différents articles du projet de loi « Pour une école de la confiance ». Ce texte, quelque peu fourre-tout, sera prochainement voté solennellement par les deux chambres. Suivront ensuite les décrets d’application qui fixeront les conditions de mise en œuvre des mesures prévues par la Loi. Certains devraient d’ailleurs sortir très rapidement tels ceux organisant l’instruction obligatoire à 3 ans dès la rentrée 2019.

Instruction obligatoire à 3 ans : oui mais…

La mesure phare de cette Loi est l’abaissement de l’instruction obligatoire à 3 ans. Pour le Sgen-CFDT, cette décision unilatérale du Président de la République peut être assimilée à une vraie reconnaissance du rôle fondamental joué par l’école maternelle dans l’évolution et la construction de l’enfant. Cependant, elle ouvre la porte au financement des écoles maternelles privées et a donc forcément provoqué l’ire des maires.

Pour compenser, l’État va financer la charge financière supplémentaire liée et notamment le financement des charges de fonctionnement et d’investissement. Malgré les demandes des sénateurs et sénatrices, il n’y aura pas cependant pas de rétroactivité. Les communes qui finançaient auparavant les écoles maternelles privées ne percevront pas de dotations sur les exercices passés liées à des choix politiques locaux. Il est cependant dommage que n’ait pas été associée à ce financement une obligation de mixité sociale des écoles privées. La Commission Mixte Paritaire a toutefois validé le principe permettant un assouplissement de l’assiduité scolaire des plus petits. Une bonne chose pour le Sgen-CFDT, cette mesure étant soumise à un accord de proximité entre le directeur, la directrice d’école et la famille.

Des articles intolérables pour le Sgen-CFDT supprimés

La suppression par la CMP de deux articles polémiques ne peut être que saluée :

  • interdiction du voile pour les mères accompagnant des sorties scolaires : cette mesure aurait été pour nous de nature discriminatoire, et aurait pu générer des tensions et des difficultés de fonctionnement quotidien dans des écoles;
  • suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme : cette politique de lutte contre l’absentéisme a déjà été mise en œuvre dans le passé, et elle a été arrêtée sur le constat de son inefficacité.

Ces mesures étaient pour le Sgen-CFDT inacceptables et venaient percuter les valeurs sociétales défendues plus largement par la CFDT. Nous saluons donc leur abandon par la CMP.

Quant à la mesure instaurant l’affichage des symboles républicains dans chaque classe, elle ne sert en rien le travail fait par les enseignant·es pour mieux promouvoir le vivre ensemble et la citoyenneté.

Le Sgen-CFDT juge positivement le maintien de la possibilité donnée au Dasen d’inscrire un élève dans une école lorsqu’un Maire la refuse.

EPLESF : mesure enterrée

Autre mesure polémique introduite par un amendement parlementaire à l’Assemblée Nationale : la création d’Établissements Publics des Savoirs Fondamentaux. La mesure a finalement été abandonnée par la CMP.

Pour le Sgen-CFDT ces établissements ne correspondaient pas à la réalité des besoins des collègues du premier degré notamment des directeurs et directrices d’école.

Cependant, cet abandon ne doit en aucun cas enterrer la réflexion sur le statut juridique de l’école. Ce dossier doit avancer, progresser et il convient d’y donner une réponse rapidement pour laisser plus d’autonomie aux personnels et favoriser la proximité, gage de réussite pour les élèves comme de nombreuses études le montrent.

Des établissements qui ne correspondaient pas à la réalité des besoins…

Le Sgen-CFDT, qui porte ce dossier depuis longtemps est aujourd’hui clairement en mesure de proposer un projet cohérent construit avec les personnels : l’établissement du premier degré. Reste maintenant à instaurer un véritable dialogue social. Malheureusement, le silence du Ministère sur les prochaines dates de l’agenda concernant la direction d’école laisse présager du contraire.

Nous saluons le retrait de l’amendement plaçant arbitrairement le directeur, la directrice d’école en position hiérarchique, en tant que personnel participant de fait à l’évaluation des enseignant·es de son établissement. Cependant, il convient absolument de continuer à défendre la reconnaissance d’un statut clair pour le directeur, la directrice en lien avec les missions qui leurs sont confiées. Sur ce dossier, le statu quo n’est pas possible.

Suppression du CNESCO, un pas en arrière sur l’indépendance des structures d’évaluation

Si certaines mesures peuvent être saluées comme des avancées ou des soulagements, certaines autres seront à surveiller de près. Ainsi, la suppression du CNESCO est actée. l’instance est remplacée par le Conseil National de l’Évaluation. Soumis initialement au bon vouloir du Ministre, la CMP a souhaité donner plus d’indépendance à ce conseil en évitant que la majorité des membres soient nommés directement ou indirectement par le Ministre. Le Sgen-CFDT regrettera le CNESCO, véritable instance indépendante, qui permettait une représentation de l’ensemble des membres de la communauté éducative.

Il conviendra donc d’être vigilant pour que ce Conseil National de l’Évaluation ne soit pas au service de la promotion de la politique éducative du MinistrB. Le CNE doit réellement être une instance d’évaluation avec un pouvoir de critique des politiques éducatives mises en place par l’exécutif.

Formation pour les enseignants : des mesures intéressantes mais avec quelle mise en œuvre ?

Si la formation sur le temps de vacances des élèves a été abandonnée (à condition de ne pas y revenir par un autre biais), l’obligation de formation continue est par contre elle entrée dans la Loi. C’est une première pour les enseignant·es du second degré, tout comme l’obligation de mettre en place une formation continuée sur les trois premières années de titularisation.

Formation continue : avec quels moyens humains et financiers ?

Ces mesures vont dans le bon sens mais cela pose inévitablement le problème de leur mise en œuvre, c’est à dire des moyens humains et financiers qui vont permettre aux enseignants d’en bénéficier. Espérons que cela ne viendra pas encore une fois charger la barque des inspecteurs et des formateurs académiques qui aujourd’hui croulent déjà sous les missions.

Article 1er : une véritable défiance aux personnels

Enfin, que dire du maintien de l’article 1er lié au devoir d’exemplarité des agents. Pour le Sgen-CFDT, cet article, qui ne fait que rappeler la jurisprudence ne doit en aucun cas brider la liberté d’expression des personnels. Alors que le Conseil d’État lui-même souligne son inutilité, son maintien ne fait que renforcer la défiance du Ministère vis à vis de ses personnels et peut permettre localement certaines dérives au gré de certains fonctionnements hiérarchiques. Il n’instaure en aucun cas un climat de confiance mutuelle et de respect.

Des décrets d’application qui doivent permettre enfin un véritable dialogue social

Les interventions menées  par l’ensemble des syndicats Sgen-CFDT auprès des parlementaires des deux assemblées ont permis de peser sur l’écriture de certains articles de cette loi (plus de 120 parlementaires rencontrés). Si le dialogue social a été quasi nul durant tout le travail d’écriture de la loi, le Sgen-CFDT espère que le ministre en tirera des leçons et instaurera une consultation constructive pendant la rédaction des décrets d’application. Nous poursuivrons ainsi notre action pendant cette période et serons particulièrement attentifs à la mise en œuvre de la loi sur le terrain.

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