Scandale depuis plus de 25 ans ! L'absence de médecine du travail pour les agents est régulièrement dénoncée par les syndicats sans que rien ne change. Siégeant pour la première fois en F3SCT ministérielle - ex CHSCT, le Sgen-CFDT demande un groupe de travail pour avancer ses propositions.
Oui, la médecine du travail des agents de l’Éducation nationale, premier collectif de travail de France, est un vrai scandale.
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » indique article L 4121-1 du Code du travail, qui s’applique aux employeurs publics.
Depuis 1995 et le décret 95-680, les ministres-employeur successifs auraient dû permettre à chaque agent de disposer d’une surveillance médicale au travail et notamment d’une visite avec un médecin de prévention au minimum tous les cinq ans. Dans les faits, celle-ci n’a jamais lieu en raison du très faible nombre de médecins de prévention dans les académies. Conséquences directes, des situations, parfois dramatiques, ni détectées ni traitées : burn out, épuisement professionnel, dépression, maladie professionnelle, aménagement de poste, handicap… Ou pire, tentative de suicide ou suicide en lien avec le travail.
Dans l’Académie de Strasbourg, la médecine de prévention ne peut plus réponde au téléphone par manque de personnels. Elle demande à ce qu’on la sollicite par courriel…
La crise de l’attractivité de nos métiers ne relève pas seulement d’une simple question salariale.
Un employeur déficient
Comment expliquer le désintérêt de nos employeurs et chefs de service pour notre santé ? Une telle négligence dans l’application de leurs obligations réglementaires depuis 30 ans ? Peut-être parce qu’historiquement, les agents ont créé leurs propres protections : MGEN en 1946, MAIF en 1936, Autonome de Solidarité laïque en 1909. Notre administration n’a donc jamais réellement intégré cette culture d’employeur. Autre raison : les hauts fonctionnaires (recteurs, DASEN) et les chefs de service qui n’appliquent pas ces obligations n’encourent aucune sanction et peuvent poursuivre leur progression de carrière tranquillement…
Le peu de médecine du travail qui existe ne cesse de se dégrader…
Ce constat alarmant était déjà dressé il y a 15 ans, à l’occasion de l’accord de 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Malgré l’affichage d’objectifs de recrutement, le nombre de médecins de prévention dans l’Éducation Nationale restait ridiculement faible et ne cessait de baisser pour atteindre 68 équivalents temps pleins pour 1,2 million d’agents en 2018. La plupart des personnels ignorent jusqu’à leur existence. Situation paradoxale alors que la création des CHSCT en 2010 et de nouveaux cadrages nationaux comme le plan de prévention des Risques Psychosociaux Sociaux en 2013 confortent et renforcent leur rôle et leurs missions.
En 2014, un rapport de l’IGAS tirait également à la sonnette d’alarme en indiquant : »(…) malgré la mise en œuvre de nouvelles dispositions, le nombre de médecins de prévention n’a guère augmenté. Si aucune mesure structurelle n’est prise dans un avenir proche (…) il semble difficile de pouvoir garantir que les services de médecine de prévention puissent être en mesure de remplir leurs missions ».
Une nouvelle occasion ratée
Nouvel espoir à partir de 2019 avec la loi sur la transformation de la fonction publique ! Un plan spécifique » santé au travail 2022/2025″ est élaboré et le décret du 20/11/2020 remplaçant les comité techniques par les Comités sociaux d’administration (CSA) et les CHSCT par les formations spécialisées est publié. Espoir d’autant plus urgent que l’épidémie de COVID est passée par là, mettant au grand jour les carences flagrantes de la médecine du travail auprès des agents en première ligne.
La situation actuelle est catastrophique
Mais, nouvelle déception, aucune mesure contraignante, aucune sanction pour l’employeur public qui ne respecte pas ses obligations…
Pour la médecine de prévention, devenue « du travail », le MEN répète, comme depuis 25 ans, que des efforts de recrutement vont être faits tout en sachant qu’il ne trouvera pas de candidats.
Pire, dans la nouvelle version du décret 82-453 qui entre en vigueur en 2023, l’État-législateur reprend et rappelle ses obligations à l’État employeur alors qu’il se sait incapable de les assumer : visite médicale tous les cinq ans, surveillance spécifique de certains agents, … on nage en pleine schizophrénie. L’épidémie de COVID a accentué la crise du recrutement et le nombre de médecins du travail continue de baisser. À peine une soixantaine d’équivalents temps pleins (ETP) en 2022, soit un pour quinze à vingt mille agents alors qu’ils devraient être dix fois plus pour assumer leurs missions. La plupart approchent de la retraite et ne seront sans doute pas remplacés.
Le Sgen-CFDT demande la création d’un groupe de travail
Lors de l’installation de la nouvelle formation spécialisée — ex CHSCT — ministérielle en janvier 2023, l’ensemble des organisations syndicales a une nouvelle fois dénoncé cette situation dans leurs déclarations liminaires. Le Sgen-CFDT leur a proposé de demander la création d’un groupe travail dédié à cette problématique. À notre grande surprise, l’administration a refusé d’inscrire ce point à l’ordre du jour. Il a fallu que les OS imposent ce point comme les dispositions réglementaires lui permettent. L’administration réserve pour l’instant sa réponse. Un refus serait incompréhensible au regard de la situation.
Quelles pistes de travail pour changer les choses ?
Outre les problématiques d’attractivité pour recruter médecins et infirmiers du travail dans les académies, notre fédération souhaite questionner le rôle du médecin traitant sur la santé au travail. La majorité des agents disposent en effet d’un médecin traitant qui les connaît bien. Il joue déjà un rôle important en décidant des arrêts liés au travail et, de fait, des temps partiels thérapeutiques. Chaque agent pourrait, par exemple, bénéficier tous les 3 ou 5 ans d’une visite médicale dédiée à sa santé au travail avec son médecin traitant. Elle s’effectuerait à partir d’une grille d’analyse et de questions fournies par la médecine du travail de l’Éducation nationale. Le médecin traitant renverrait son patient au médecin du travail de l’Éducation Nationale quand il le jugerait nécessaire.
Cette solution nous permettrait de bénéficier enfin de cette visite médicale régulière prévue par les textes.
À suivre…
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