L'audience à laquelle les représentants du Sgen-CFDT ont été conviés le 31 mai par le DASEN, nous a permis de présenter les résultats de notre enquête sur les enfants dits "perturbateurs".
Cet article vous propose de prendre connaissance de la synthèse que nous avons pu tirer de vos réponses...
Les motivations de cette enquête
Notre enquête sur les élèves porteurs de troubles du comportement et de la conduite (TCC), s’est déroulée durant le 1er trimestre 2018. Pour aller vite, nous avons utilisé le terme « enfants perturbateurs », dans la mesure où le comportement de ces élèves perturbe concrètement le déroulement d’une journée de classe.
Cette enquête fait suite à de nombreux témoignages de collègues qui connaissent des situations difficiles. Nous nous sommes inspirés de situations vécues pour rédiger nos questions, en vue d’obtenir une photographie, la plus fiable possible, des réalités du terrain.
Nous avons également choisi de laisser la possibilité aux collègues non concerné.e.s de participer à l’enquête. Ceci afin d’avoir une idée de la proportion des classes touchées par ces phénomènes. Il apparait cependant que les collègues qui ne sont pas concerné.e.s cette année, se sont presque tous déjà trouvé.e.s à un moment où à un autre confronté.e.s à un élève porteur de TCC.
Découvrez nos revendications portées devant le DASEN
Les résultats
Informations sur les participants
Nous avons récolté 194 réponses dans le Bas Rhin et 199 dans le Haut Rhin, soit près de 400 participants. Cet intérêt témoigne d’une réelle préoccupation des collègues face à cette problématique.
La répartition géographique
Nous avons souhaité connaitre la circonscription d’origine des collègues à la fois pour évaluer la répartition géographique de la difficulté : secteurs urbains, éducation prioritaire, zones rurales… Mais aussi pour mettre en évidence la diversité des pratiques, selon les équipes de circonscription.
La répartition nous semble plutôt homogène, même si, dans le Haut Rhin, 3 circonscriptions réunissent plus de participants. Il faut relativiser ces données qui reflètent peut-être aussi la mobilisation de militants du Sgen-CFDT. Dans le 67, la présentation de l’enquête sur l’écran ne permettait pas d’accéder immédiatement aux circos de fin de liste (Vosges du Nord, Wissembourg), ce qui a peut-être aussi un peu faussé les données.
Nous retenons cependant de ces données, que la gestion des enfants porteurs de TCC semble se généraliser à tous les territoires et ne concerne pas spécifiquement les zones d’éducation prioritaires, par exemple.
Les classes occupées par les participants
les réponses indiquent que tous les niveaux sont touchés, mais nous notons une forte représentation des participants issus de maternelle.
Ces collègues soulignent le fait que la maternelle est de plus en plus souvent le lieu de repérage d’une difficulté, alors qu’il n’existe que peu de possibilité de prise en charge à destination du cycle 1. L’enseignant.e se sent livré à lui-même, contraint.e de faire de nombreuses démarches pour trouver des réponses.
Les personnels concernés se sentent d’autant plus isolés que le dialogue avec les familles est très délicat et aboutit souvent à un déni ou une remise en cause des propos de l’enseignant.e de la part des parents.
La gestion au quotidien
Nombre d’élèves concerné.e.s par un trouble de la conduite et du comportement
Dans la majorité des cas les collègues disent devoir gérer plusieurs élèves porteurs de TCC, ce qui amplifie encore la difficulté au quotidien.
Les participants qui ne sont pas concernés cette année sont minoritaires parmi les réponses obtenues. Il est sans doute nécessaire de relativiser ce résultat : la proportion de collègues qui ne sont pas concerné.e.s d’après notre enquête ne traduit peut-être pas fidèlement la réalité.
En effet, les collègues qui vivent cette expérience ont souvent participé pour témoigner de leur difficulté actuelle, alors que les autres, qui n’ont pas cette motivation, ont simplement pu ignorer notre questionnaire qui ne les concernait pas. Ces collègues n’apparaissent donc pas dons nos résultats.
Il n’en reste pas pas moins que les résultats des deux départements sont très similaires et que 400 réponses pour notre petite académie représentent un échantillon significatif.
La gestion quotidienne d’élèves porteurs de troubles de la conduite et du comportement ne peut plus être qualifiée de situation exceptionnelle.
Recensement des comportements rencontrés
La description des difficultés comportementales est remarquablement similaire dans les deux départements. Les deux attitudes les plus fréquemment signalées sont :
- L’agitation permanente avec l’incapacité de répondre à une consigne
- Les gestes violents à l’égard d’autres enfants
Les autres comportements fréquemment cités sont réellement alarmants :
- Moments de crise incontrôlable
- Gestes dangereux pour sa sécurité
Les enfants dans ces situation expriment une souffrance face à laquelle l’école, dans son fonctionnement actuel, n’a pas les moyens de fournir une réponse adaptée. Et les enseignant.e.s, seul.e.s dans leur classe, se trouvent souvent en réelle difficulté pour prendre ces enfants en charge parmi les autres élèves dont il faut aussi assurer la sécurité.
Ces résultats unanimes – les deux diagrammes sont quasiment superposables – témoignent d’une réalité encore trop souvent sous-estimée :
Les collègues précisent que les classes à niveaux multiples ou les effectifs chargés compliquent encore la gestion de ces comportements.
Les solutions au niveau de l’institution
Quels liens avec le handicap ?
L’enquête montre que beaucoup de ces comportements ne relèvent pas d’une situation de handicap et de l’inclusion au sens strict. Se pose donc la question de leur prise en compte par l’institution : les réponses adaptées restent encore à inventer.
Les réponses apportées par les équipes de circonscription
Les participants indiquent certes qu’ils reçoivent une écoute et des propositions de la part des équipes de circonscription. Mais ces conseils restent souvent insuffisants, car l’enseignant se trouve seul.e dans sa classe au quotidien. En outre, les possibilités de prises en charge sont régulièrement saturées.
Trop souvent, les solutions proposées impliquent un travail supplémentaire (protocoles d’observation, réorganisation pédagogique…) alors que ces collègues qui sont déjà sur sollicité.e.s ne peuvent assumer une implication supplémentaire.
Les répercussions sur les collègues
En conclusion, cette enquête témoigne de réelles répercussions sur les conditions de travail des enseignant.e.s et par conséquent, sur leur état de santé.
Là encore, les résultats sont très similaires dans les deux départements, ce qui laisse penser une fois de plus que le constat traduit la réalité de nombreux collègues.
Il en ressort essentiellement, que les enseignant.e.s qui ont répondu sont épuisés moralement et/ou physiquement.
Parmi les témoignages recueillis, plusieurs collègues font état de la nécessité de prendre un congé maladie, voire d’anticiper leur départ à la retraite. Si certains collègues reconnaissent qu’ils sont très sollicités, mais qu’ils tiennent parce qu’ils ont pu trouver des modes de fonctionnement sous forme de projets, d’autres préfèrent demander une mutation ou envisager une reconversion professionnelle.
Beaucoup de participants soulignent leur sentiment de culpabilité de ne pouvoir assurer normalement la classe pour les autres enfants.
Il faut certainement relativiser des réponses qui traduisent un ressenti, nécessairement très variable d’une personne à l’autre. Mais beaucoup de témoignages soulignent que la gestion, année après année d’élèves porteurs de TCC est extrêmement usante.
Au vu des résultats de cette enquête, le Sgen-CFDT interpelle le DASEN : il est indispensable d’accélérer la réflexion sur la gestion des risque psycho-sociaux.
Le Sgen-CFDT remercie tous les participants qui ont pris le temps pour répondre à nos questions et apporter leurs témoignages.
Les réponses de M. Launay
A notre proposition d’alléger les effectifs en tenant compte des élèves porteurs de trouble de la conduite et du comportement, le DASEN oppose tout d’abord une difficulté budgétaire : il est très compliqué d’intégrer la présence variable de ces élèves dans nos modèles d’implantation à enveloppe constante. Ensuite, il émet une réserve d’ordre éthique et philosophique : il n’est pas possible d’établir des indicateurs pour qualifier (et donc comptabiliser) le trouble comportemental ou le handicap. Il précise que le budget de l’éducation nationale est déjà très conséquent (66 millions d’euros) et qu’une augmentation des enveloppes budgétaires à disposition des académies n’est pas à l’ordre du jour.s
M. Launay propose cependant, dans les cas où une ULIS est présente dans l’école, de songer à des inclusions croisées : des élèves sans difficulté pourraient aller en ULIS, lors de l’inclusion d’élèves à besoin particulier. Cette pratique permettrait d’alléger les effectifs de la classe d’inclusion, tout en offrant une possibilité de tutorat au sein de l’ULIS, au bénéfice des élèves présents.
Le Sgen-CFDT regrette une réponse qui met l’accent sur l’aspect comptable, tout en ramenant la problématique des élèves porteurs de TCC à celle l’inclusion : nous rappelons que beaucoup d’élèves ont des troubles du comportement qui ne relèvent pas du handicap.
Selon le Directeur académique, en maternelle, les réponses devraient être pédagogiques, au départ, élaborées collectivement au sein d’une équipe : certaines difficultés s’expliqueraient par le fait que les enfants s’engouffrent dans des failles de l’équipe. Il suggère de faire appel à l’infirmière scolaire ou à l’EMS (Equipe Mobile de Sécurité) et de convaincre les enseignants de l’intérêt d’une formation au sein de la classe. Il insiste notamment sur la logique de formation : apprendre à identifier les signaux précurseurs de la crise. La question des moyens ne serait pas centrale, puisqu’un enfant en crise occupera tout l’espace quel que soit le nombre des autres élèves présents.
Nous ne pouvons pas nous contenter de cette réponse : certains comportements particulièrement violents ne relèvent pas uniquement de la réponse pédagogique, tandis que les infirmières sont le plus souvent indisponibles du fait de la lourdeur de leurs missions.
Les solutions proposées ne tiennent pas assez compte des autres enfants de la classe, qui sont pour certains, également porteurs de TCC!!
En tout état de cause, le premier conseil en cas de difficulté, est de ne pas hésiter à se tourner vers son IEN : s’il/elle est informé.e en amont, il sera plus à même d’entrer en communication avec les familles, ou d’indiquer les acteurs vers lesquels se tourner.
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