Les évolutions récentes de l'évaluation au lycée GT conduisent à questionner le sens du travail. Le français conserve des épreuves finales, à la différence d'autres disciplines du tronc commun. Et ces épreuves ont un effet normatif fort sur l'enseignement au lycée.
Juin épuisant
Le mois de juin, tant pour les élèves que pour les professeur·es de lettres, est depuis longtemps une épreuve difficile et cette année ne fera pas exception.
Le rythme est toujours soutenu au mois de mai avec le bouclage du programme, les entraînements au bac et, pour les plus sollicité·es, la correction des épreuves de spécialité HLP cette année et, tous les ans, la correction des écrits de BTS voire la participation aux jurys d’oraux de BTS.
Le mois de juin c’est, pour les élèves de Première, celui de leurs seules épreuves anticipées : celles de français.
Les copies à peine récupérées, les enseignant·es doivent consacrer leurs journées à interroger à l’oral, pendant au moins une semaine en général. Listes de textes, œuvres complètes, questions de grammaire… la préparation des oraux exige une mobilisation importante en amont des épreuves anticipées, période pendant laquelle les collègues continuent parfois à faire cours.
S’enchaînent ensuite des journées d’interrogation organisées au cordeau pour que tout puisse bien coïncider : distribution des sujets, temps de préparation des candidat·es, vigilance quant au risque de triche, interrogation, respect des tiers temps, remplissage des fiches d’évaluation et notation, puisqu’en 20 minutes, il s’agit de mettre quatre notes à chaque candidat·e.
Il est souvent compliqué de trouver le temps de juste passer aux toilettes ! Et disons-le, la rémunération de cette activité exigeante reste nettement insuffisante.
Et le soir, on ne se repose guère : il faut dans certaines académies se remettre à la correction des copies de l’épreuve écrite… Quand on n’est pas, de surcroît, convoqué·e pour l’évaluation du grand oral et pour toutes sortes d’autres sujets : écrits de BTS avant l’EAF, oraux de rattrapage de BTS après les oraux d’EAF, copies d’HLP, épreuves de rattrapage d’EAF…
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Les épreuves anticipées auxquelles nous préparons nos élèves et le nombre de textes à travailler rendent le travail avec nos élèves très contraint. Il faut, en particulier, les préparer à une multitude de modalités d’évaluation pour les épreuves, ce qui impose un rythme beaucoup trop rapide aux apprentissages pour les élèves, et une charge de travail colossale aux enseignant·es.
Le déroulé de l’année est décrit systématiquement avec les mêmes qualificatifs : précipité, dispersé. Cette course permanente détourne cet enseignement d’objectifs plus profonds et fondamentaux, et le vide de son sens.
Retrouver des modalités d’épreuves anticipées plus adaptées est indispensable et le Sgen-CFDT revendique plusieurs éléments, à court ou plus long terme :
Pour le bac 2022, le Sgen-CFDT demande des aménagements des épreuves anticipées :
Il serait inéquitable que seuls les élèves de terminale puissent en bénéficier : les élèves de première ont aussi subi les différentes vagues épidémiques, ont aussi subi des secousses dans leurs apprentissages, ont aussi eu des enseignant·es absent·es… Ils ont en outre, pour la majorité d’entre elles et eux, vécu leur année de seconde en enseignement hybride, et les acquis sont particulièrement inégaux pour cette cohorte d’élèves.
Il est urgent d’obtenir comme l’an dernier la possibilité de choix de sujets en plus de l’allègement du nombre de textes déjà obtenu.
Il est inconcevable que les élèves de 1ère générale et technologique soient les victimes d’un désintérêt dû à d’autres dossiers d’actualité.
Pour le Bac 2023, des ajustements des épreuves anticipées sont indispensables :
- Dans la voie technologique, les modalités des épreuves ne correspondent guère aux compétences des élèves. Les épreuves sont trop longues et les critères d’évaluation mal ciblés. A l’écrit, une durée de 3h serait d’ailleurs plus appropriée et plus cohérente.
- Dans la voie générale comme dans la voie technologique la question de grammaire, comme sous-épreuve de l’oral, ne fait pas sens et gagnerait à être traitée à l’écrit.
Pour les deux voies, le nombre de textes est trop important. Le bachotage devient la voie de la réussite pour les élèves qui ne décrochent pas.
Pour donner du sens aux apprentissages, les collègues prennent nécessairement des libertés avec les programmes, ce qui les met en tension.
Pour le bac 2023, c’est aussi l’architecture des programmes et leurs contenus qui doivent être revus. Cette révision était prévue au printemps 2022 mais ce travail a été repoussé. Au vu des difficultés constatées, l’automne prochain doit permettre de remettre sur la table ces discussions, pour ne plus imposer aux collègues de sempiternels ajustements, imposés dans l’urgence.
Il faut clarifier l’articulation entre les programmes d’HLP et celui de tronc commun, un allègement drastique des programmes de tronc commun et de spécialité est aussi indispensable.
Améliorer les conditions de travail des enseignant·es et alléger la charge de travail
Sur les conditions de passation des épreuves le Sgen-CFDT revendique aussi des améliorations urgentes pour rendre plus supportable le mois de juin, et en particulier :
- Modalités « normées » et applicables partout pour l’oral :
mise à disposition de bilans académiques des EAF 2021 par les IPR, liste anonyme des textes présentés par les élèves, possibilité d’avoir l’œuvre avec soi pour la/le candidat·e, loges pour les candidat·es en préparation (comme au grand oral), critères d’évaluation plus calibrés et harmonisés, retours collectifs sur les oraux entre collègues pour alléger la responsabilité des évaluateurs et le stress induit. - Aide à la correction numérique qui n’exclut pas des commissions d’harmonisation.
En particulier la possibilité en HLP de pouvoir corriger les copies en parallèle en français et en philosophie avec Santorin. - Revalorisation significative de la rémunération de l’oral, qui tienne compte de l’ensemble des tâches nécessaires, y compris le travail de préparation, de notation, de gestion qui représente des heures de travail invisible.
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