Quel est le travail quotidien d'un·e professeur·e documentaliste ? En quoi a-t-il été fortement impacté par la crise sanitaire ? Pourquoi veulent-elles et ils obtenir une reconnaissance de leur employeur ? Un article écrit par les professeur·e·s documentalistes du Sgen-CFDT Alsace.
Professeur·es documentalistes : nous voulons être pleinement reconnu·e·s
Le travail des professeur·e·s documentalistes est essentiel
Nous, professeur·e·s documentalistes, avons passé un concours difficile, le CAPES, comme tous les autres enseignant·e·s ; nous avons cependant un statut différent puisque nous avons une obligation de service de 36h, décomposées en 30h de présence dans l’établissement et 6h de travail à l’extérieur de celui-ci. En réalité, nous faisons souvent bien plus, tant nos tâches sont multiples et nécessitent un panel de compétences qui font des professeur·e·s documentalistes des personnels très polyvalents.
On peut décomposer l’ensemble de notre travail en quatre grands domaines, eux-mêmes composés d’innombrables tâches plus ou moins chronophages.
La gestion du CDI et du catalogue
Nous devons d’abord gérer un lieu, le CDI, ainsi que toutes les collections de livres, de revues, parfois de manuels papiers ou numériques qui s’y trouvent.
L’accueil des élèves
Dans le même temps, nous devons aussi accueillir les élèves, répondre à leurs attentes, les soutenir et les aider : cela nous prend beaucoup de temps et nous empêche souvent de nous concentrer sur la gestion pure – ce qui explique que nous restions très souvent après la sortie des élèves, pour pouvoir travailler dans le calme.
Les interventions pédagogiques
Nous assurons aussi des missions pédagogiques, en lien ou non avec nos collègues des différentes disciplines, sur un horaire dédié ou non ; nous devons notamment assurer l’EMI, c’est à dire l’Éducation aux Médias et à l’Information, mais nous intervenons en fait sur de nombreux autres sujets : préparation de l’orientation, éducation au numérique (Pix…), promotion de la lecture (club lecture, prix, défi lecture, « silence on lit« …), initiation à la recherche documentaire… et sur tous les projets que les enseignant·e·s veulent monter en collaboration avec nous.
L’ouverture culturelle
Enfin, nous favorisons le plus possible l’ouverture culturelle de l’établissement et donc celle des élèves : expositions, concours, semaine de la presse, investissement dans les CVC ou CVL, préparation de sorties culturelles…etc.
Que deviennent les documentalistes en temps de crise sanitaire ?
Notre métier de documentaliste étant fortement lié à un lieu – le CDI – la question de l’application du protocole sanitaire lors de la crise de la Covid-19 a fortement impacté nos conditions de travail. Du jour au lendemain, en mars 2020, les CDI ont fermé… Beaucoup ont ensuite rouvert leurs portes au mois de juin 2020, mais certains sont restés fermés, ce qui a été vécu comme une grande injustice, comme si le CDI était un lieu non essentiel, comme la culture…
En temps de confinement
Nous nous sommes donc retrouvé·e·s en télétravail, sans matériel informatique professionnel, comme d’ailleurs tou·te·s les enseignant·e·s. Il a fallu s’approprier et alimenter le nouveau portail documentaire, évaluer les besoins et mettre à disposition les ressources sur le portail, etc. A côté de cela, nous avons monté des projets à distance avec d’autres enseignant·e·s, comme la semaine de la presse par exemple. Certain·e·s ont réalisé des capsules vidéo à destination des élèves.
Certains collègues se sont sentis peu soutenus par nos inspecteurs « vie scolaire » ou/et par leur équipe de direction ; beaucoup d’entre nous ont eu le sentiment d’être transparent·e·s.
Lors de la réouverture du mois de juin (si elle a lieu…)
Lorsque l’ouverture du CDI a été autorisée, nous avons dû nous débrouiller pour inventer un protocole sanitaire (alors qu’il n’y avait aucun modèle national). Nous avons ainsi dû bricoler pour éviter le brassage, continuer d’accueillir les élèves et réaliser au mieux ce qu’il était encore possible de faire.
Notre enseignement s’est énormément appauvri : pas de sorties culturelles, annulation de la venue des intervenants (maintenues dans certains établissements) pour se concentrer sur l’essentiel : finir les programmes, préparer le bac, tout cela donc au détriment du travail sur l’orientation et de l’ouverture culturelle alors que les épreuves finales furent finalement annulées.
Un sentiment d’injustice de plus en plus présent
Dans bien des domaines, nous avons le sentiment d’être moins bien considéré·e·s que nos collègues enseignant·e·s. C’est un sentiment basé parfois sur des considérations locales, lorsqu’on nous oublie dans les envois de messages ou lorsque l’on doit se battre pour obtenir des heures pour enseigner aux élèves par exemple. Mais il s’agit surtout de différences de traitement au niveau national, comme le montreront ces nombreux exemples :
- Pas de corps d’inspection propre : nos IA-IPR sont les IA-IPR vie scolaire ! Pourtant, quand nous sommes inspectés, c’est en séance pédagogique !!
- Pas d’agrégation dans notre corps disciplinaire.
- Pas le droit aux HSE.
- Pas le droit aux indemnités de sujétions spéciales de remplacement ISSR.
- Des indemnités d’un montant inférieur (indemnité de prof de discipline ISOE part fixe 1213,56€/an ; indemnité de professeur·e·s documentalistes : ISP 767,10€/an).
- Pas le même montant d’indemnités pour le dispositif « devoirs faits » en collège (prof de discipline : entre 39,91 à 63,44€ exonérés d’impôts / professeur·e documentaliste : 30€ non défiscalisés).
- Heures péri-éducatives au bon vouloir du chef d’établissement.
- Les rares professeur·e·s documentalistes qui sont professeurs principaux (si, si ça existe !) ne perçoivent pas le même montant d’indemnisation.
- Pas le droit à la prime d’équipement informatique : « Une prime d’équipement informatique est attribuée aux psychologues de l’éducation nationale stagiaires et titulaires et aux enseignants stagiaires et titulaires relevant du ministère chargé de l’éducation nationale, qui exercent des missions d’enseignement, à l’exception des professeurs de la discipline de documentation. » Décret n° 2020-1524 du 5 décembre 2020 portant création d’une prime d’équipement informatique allouée aux personnels enseignants relevant du ministère chargé de l’éducation et aux psychologues de l’éducation nationale
Pourtant…
« […] le professeur documentaliste est enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par les élèves d’une culture de l’information et des médias, maître d’œuvre de l’organisation des ressources pédagogiques et documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition, et il est acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel ». Circulaire n° 2017-051 du 28-3-20
Nous réclamons, une fois pour toutes, la reconnaissance pure et simple de notre statut de professeur·e entraînant l’harmonisation de nos droits avec ceux de nos collègues de discipline, ainsi qu’une égalité de traitement.
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