Après des semaines de tergiversation, le gouvernement a fini par trancher : en plein débat sur la réforme systémique des retraites, il annonce une mesure sur l'âge de départ applicable. Une mesure paramétrique inacceptable pour la CFDT qui appelle à la mobilisation.
Manifestations le 17 décembre 2019 à Strasbourg et Mulhouse : 13h30 place de la Bourse
Très martial dans le ton et dans la forme, Édouard Philippe a présenté un projet qui reste très fidèle aux recommandations contenues dans le rapport Delevoye. Il a ainsi réaffirmé que le nouveau système serait bien universel et à points et que les régimes spéciaux disparaîtront à terme. Seules quelques professions régaliennes (policier, gendarme, militaire, pompier) continueront de bénéficier d’un dispositif spécifique leur permettant de partir plus tôt à la retraite.
Chaque euro cotisé donnera les mêmes droits, et la valeur du point sera la même pour tous, salariés, comme agents des fonctions publiques, agriculteurs ou indépendants. Les cotisations seront également identiques jusqu’à un plafond de 120000 euros annuels. Au-delà, les rémunérations seront soumises à une petite cotisation, mais ne donneront pas de droit supplémentaire. La valeur du point serait fixée par les partenaires sociaux sous le contrôle du Parlement.
La loi devrait contenir une règle d’or pour que la valeur du point ne puisse pas baisser et qu’elle soit indexée sur l’évolution des salaires (un système plus avantageux que l’indexation sur les prix).
Une ligne rouge a été franchie
Il y avait une ligne rouge dans cette réforme pour la CFDT. Cette ligne rouge est aujourd’hui clairement franchie.» À peine les annonces du Premier ministre connues, Laurent Berger n’a pas caché sa colère. Le gouvernement n’a finalement pas revu sa copie et annoncé la mise en place progressive d’un âge d’équilibre à 64 ans dès 2022, qui concerne donc la génération née en 1960.
Qui est concerné?
Le nouveau système commencera à s’appliquer en 2025 pour la génération née en 1975. Les droits qu’elle aura acquis jusqu’en 2025 seront garantis selon les anciennes règles. Pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de la retraite est de 57 ou 52 ans, les générations concernées seront celles nées en 1980 et 1985. La nouvelle génération qui n’a pas encore cotisé (celle née en 2004) entrera dans le nouveau système à partir de 2022.
Précision importante : les personnes nées avant 1975 ne sont pas concernées par les nouvelles règles de calcul de leur droit à la retraite, elles sont en revanche concernées par l’instauration de l’âge d’équilibre à partir du 1er janvier 2022 (lire ci-dessus). La génération née en 1960 est la première concernée.
Une mesure d’âge injuste
La CFDT – qui soutient l’idée d’une réforme en profondeur du système de retraite et n’avait pas appelé à manifester afin de laisser le temps à l’exécutif de présenter son projet – avait bataillé jusqu’au dernier jour pour éviter cette mesure paramétrique injuste. «Malgré les alertes lancées par la CFDT, le Premier ministre a imposé des mesures d’âge inutiles et injustes à travers l’instauration d’un “âge d’équilibre”.
Cet âge d’équilibre remet en cause la promesse du président de la République de ne pas faire d’économies dans le cadre de cette réforme. Ce sont tout particulièrement ceux qui ont commencé à travailler jeune et les personnes qui se retrouvent au chômage en fin de carrière qui seront pénalisés», résume le secrétaire général de la CFDT.
La CFDT rappelle par ailleurs que la réforme Touraine de 2014 pour le privé ainsi que la réforme de 2008 pour les régimes spéciaux et la fonction publique prévoyaient déjà un allongement de la durée de cotisation jusqu’en 2035. Il n’était donc pas nécessaire de changer également l’âge de départ en mettant en place un système de bonus-malus autour de 64 ans.
Des mesures sociales trop timides
La principale annonce en matière sociale est la fixation dans la loi d’un minimum de pension pour une carrière complète à 85% du Smic (environ 1000 euros nets aujourd’hui). Les périodes de chômage et de maladie donneront également droit à des points. Le congé maternité sera compensé à 100%. Les femmes bénéficieront en outre d’une augmentation de 5% de leur pension par enfant, sauf choix contraire du couple. Ce dernier pourra décider de partager ce bonus ou l’attribuer au père. Le projet prévoit également un bonus de 2% supplémentaire pour les familles de trois enfants et plus. Les parents qui interrompent ou réduisent leur activité lors de l’arrivée d’un enfant se verront attribuer des points (à hauteur de 60% du Smic et sous condition de ressources) pendant les trois premières années de l’enfant et les six premières années à partir du troisième enfant. La pension de réversion (réservée aux personnes mariées) sera de 70% des droits à la retraite du couple sans aucune condition de ressources et attribuée à partir de 62 ans.
Les annonces du Premier ministre en ce qui concerne les mesures sociales sont cependant en deçà des attentes de la CFDT. «La prise en compte de la pénibilité n’est aujourd’hui pas à la hauteur : il est grand temps de mieux reconnaître la pénibilité pour toutes celles et ceux qui la subissent», insiste le secrétaire national chargé des retraites, Frédéric Sève.
Le projet reste en effet encore très vide à part une avancée sur le travail de nuit (qui prend mieux en compte les spécificités de la fonction publique hospitalière). Enfin, la CFDT maintient qu’une carrière complète au Smic mérite une pension nettement supérieure à 85% du Smic. Les dispositions en matière de retraite progressive restent, quant à elles, très floue. «L’obsession budgétaire et la justice sociale ne font pas bon ménage. En souhaitant mener de front une réforme ambitieuse et une réforme budgétaire à l’ancienne, l’exécutif a perdu le sens et la lisibilité d’une réforme du système de retraite pourtant attendue», résume Laurent Berger.
Le grand flou pour les enseignants
Principaux perdants de cette réforme, car ils n’ont que très peu de primes (l’ensemble des primes des fonctionnaires sera intégré dans le calcul des droits, contrairement à ce qui se passe dans le système actuel), les enseignants ont fait l’objet d’une communication spécifique. Le gouvernement s’est engagé à revaloriser leurs primes à partir de 2021. Des négociations vont s’engager avant la fin de l’année et devront aboutir d’ici au printemps 2020.
Ces annonces nous semblent bien trop floues et insuffisantes pour pouvoir rassurer des enseignants légitimement inquiets ! Aucun engagement, aucune enveloppe budgétaire et finalement aucune nouveauté n’ont été évoquées par le premier ministre ce mercredi 11 décembre. Tout renvoyer à de futures négociations, lorsqu’on sait la manière dont celles-ci se déroulent depuis que ce gouvernement est aux manettes, est inacceptable. Nous avons tous en mémoire le retour du gel du point d’indice et le report des accords PCCR d’une année.
La CFDT et le Sgen-CFDT Alsace appellent à se mobiliser mardi 17 décembre
La CFDT appelle donc l’ensemble des travailleurs à se mobiliser afin que le gouvernement renonce à toute mesure d’âge et pour un système de retraite universel qui soit réellement juste. Cela implique concrètement de prendre réellement en compte la pénibilité, d’élever le minimum de pension et de porter de vraies ambitions en matière de retraite progressive.
Le Sgen-CFDT Alsace appelle aussi à faire grève et à se mobiliser le mardi 17 décembre. Nous vous communiquerons très prochainement sur cette page les actions prévues ce jour-là par la CFDT Alsace.
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