Lycée pro à la Harvard : la belle com de Blanquer

Nous proposons ci-dessous une réaction à chaud aux annonces du ministre de l'Education Nationale à propos de la réforme de la voie professionnelle. Ces réactions qui demandent à être complétées et étoffées invitent à un débat syndical urgent et approfondi.

voie professionnelleLa communication au pouvoir : l’effet Harvard

Le ministre Blanquer a beaucoup couru en ce mois de mai 2018 et laissé le vieux monde des Lycées professionnels derrière lui. Billancourt désespère définitivement et Harvard devient l’horizon à atteindre. Les 70 000 professeur(e)s regardent depuis ce lundi 28 mai leurs établissement d’un œil neuf et attendent de voir pousser le lierre le long des murs de ce qui deviendra un campus d’excellence.

Au-delà de la communication de d’une ambition résolument affichée, les différentes mesures évoquées dans la brochure d’accompagnement nécessitent d’être analysées point par point en adoptant tout aussi résolument une vigilance orange de notre syndicat.

Tout d’abord, il est regrettable qu’une « réforme » aussi ambitieuse n’ait pas été précédée d’une concertation avec les personnels engagés depuis de nombreuses années dans la voie professionnelle. D’autre part, l’image de Harvard paraît bien décalée par rapport à la difficulté que rencontrent de nombreux élèves peu valorisés au collège. Ceux-ci on en effet déjà du mal à formuler un choix et à trouver une orientation qui leur corresponde, ce qui se traduit parfois par une hostilité forte aux contraintes scolaires.  Cette réalité n’est certes pas une fatalité mais elle ne saurait être effacée par des formules volontaristes. N’entre pas à Harvard qui veut !

 

Les principales mesures de la « réforme » de la voie professionnelle

Les points saillants de la réforme apparaissent dans l’infographie ci-dessous et demandent à être abordés en détail. Nous n’en sommes donc ici qu’au premier jet d’une analyse qui s’affinera au fur et à mesure que la communication ministérielle évoquera les aspects concrets de l’application de ces mesures :

1) La revalorisation de la filière par le truchement des campus d’excellence est une réponse nouvelle à un vieux problème posé depuis la création du bac professionnel : l’attractivité ne se décrète pas et se heurte à des idées reçues durablement négatives par rapport à ce segment de l’éducation nationale.

2) Les programmes d’investissement d’avenir (PIA3) de 50 millions d’euros sont plutôt une bonne nouvelle mais encore faut-il s’interroger sur leur finalité (pour financer quel type de projet ?) et sur leurs attributions (qui en seront les bénéficiaires à l’échelle du territoire ?)

3) L’accueil des apprentis dans les lycées professionnels est déjà une réalité en Alsace où les CFA sont intégrés dans les structures des établissements. A terme ce qui peut s’avérer problématique c’est l’intégration dans les classes de publics mixtes apprentis/élèves qui n’ont pas mêmes horaires, les mêmes statuts et le même rapport à la formation professionnelle.

A suivre

 

Des questions pour un mouvement à venir dans la voie professionnelle ?

 

Au total, l’annonce de cette réforme a déjà fait l’objet de nombreuses réactions dans la presse et dans les réseaux syndicaux. Les positions du Sgen-CFDT sont accessibles via ce lien. Mais avant d’envisager une quelconque action, il convient de poser un certain nombre de question jusque-là sans réponses.

  • Quid de l’aménagement de ces campus d’excellence ? Qui en sera le maître d’oeuvre ? Qui va les financer ? Les personnels (sans oublier les élèves) auront-ils leur mot à dire ?

  • Quid de la gestion de l’accueil des publics mixtes ? Les CFA et les LP vont-ils fusionner ?
  • Quid de la pérennisation des postes ? L’excellence visée s’accompagnera-t-elle d’heures en moins pour les enseignant(e)s ?
  • Quid de la contextualisation de l’enseignement général : sera-t-il piloté d’en haut ou laissera-t-elle une marge de manœuvre (condition nécessaire à la liberté pédagogique) ?
  • Quid de l’éducation à la citoyenneté qui apparaît comme la grande absente de cette « réforme’.

La vigilance orange est donc bien de mise : les prochaines annonces et les décrets d’application qui suivront permettront de dire s’il faudra lancer un avis de tempête;