MbN : quelques progrès, mais cela reste insuffisant !

Suite aux signalements faits par le Sgen-CFDT Alsace, d'autres syndicats et la DANE de l'académie de Strasbourg, la société Kosmos a effectué un certain nombre de mises à jour et l'outil fonctionne un peu moins mal. Cependant, beaucoup de points faibles restent à améliorer !

Un démarrage catastrophique

Alors que la DANE (Délégation Académique au Numérique dans l’Education) a réuni les administrateurs des ENT de l’académie de Strasbourg par bassins après les vacances de printemps après 9 mois de (dys)fonctionnement de MbN, le Sgen-CFDT établit un bilan d’étape.

Un cahier des charges non respecté

La DANE a reconnu d’emblée que la société KOSMOS n’avait pas encore respecté le cahier des charges et que le nouvel outil n’était pas au point à la rentrée 2018. Cela a induit d’immenses difficultés notamment pour la vie scolaire et les chefs d’établissement. Le secrétaire général du rectorat, Nicolas Roy, a reconnu lui-même qu’il était inadmissible que les CPE et donc les chefs d’établissements ne puissent savoir où étaient leurs élèves à un instant T. Tout cela nous l’avions déjà dit avec force dans cet article : « Mon Bureau Numérique » où est le progrès ? »

Au delà des difficultés induites par un changement de logiciel, les administrateurs ont été mis à rude épreuve du fait d’un paramétrage sans doute plus fin mais plus compliqué, de dysfonctionnements majeurs et des sollicitations bien légitimes des collègues (on aurait quand même pu prévoir qu’elles seraient nombreuses). Certains administrateurs sont vraiment au bout du rouleau et on les comprend, et dans bien des cas le chef d’établissement s’inquiète de ne plus trouver de volontaire pour cette tâche.

Une annonce bienvenue : le doublement des indemnités des administrateurs MbN

C’est pourquoi nous ne pouvons que nous féliciter des annonces faites par le secrétaire général aux administrateurs MbN : leur indemnité sera doublée et ils devraient recevoir d’ici la fin de l’année scolaire l’équivalent d’une IMP annuelle versée en HSE. C’était d’ailleurs une revendication du Sgen-CFDT Alsace lors du dernier CTA (Comité Technique Académique). Cependant, nous demandons aussi que le travail très fastidieux des CPE soit reconnu par le versement d’HSE ou  d’une indemnité équivalente à celle des administrateurs.

La société Kosmos aurait pour sa part été sanctionnée par une amende correspondant à 12% du prix fixé lors de l’appel d’offres, soit 150 000 euros environ, ce qui est bien le moins compte-tenu des manquements constatés.

MbN
Evolution de l’utilisation des supports de consultation de MBN

D’indéniables progrès selon la DANE

Lors de la réunion des administrateurs, la DANE a pointé les nombreux progrès faits depuis le début de l’année qui vont de l’amélioration de l’interface,  à la recherche de fiches élèves, à l’affichage des absences sur l’emploi du temps.

La maintenance a été améliorée : l’aide en ligne de la DANE est ainsi un grand point positif pour résoudre plus rapidement les problèmes rencontrés de l’avis de plusieurs chefs d’établissement du Sgen-CFDT.

Les chiffres des connexions laissent voir que MbN est autant utilisé qu’ENTEA et que l’utilisation de la messagerie progresse. La DANE se félicite aussi que « l’ENT est de plus en plus consulté, dans l’académie de Strasbourg, sur des équipements mobiles et majoritairement sur les smartphones. » (voir graphique ci-contre) et que « Le service Parcours pédagogique, spécifiquement Moodle, connait une belle progression en lycée. Cela s’explique en partie par l’accroissement des usages dans les lycées 4.0 de l’académie. »

De plus, sans nier le moins du monde les difficultés rencontrées avec la société Kosmos (voir plus haut), la DANE explique que le projet était très (trop ?) ambitieux, du fait notamment de la mise en place de la fédération d’identité, inédite à cette échelle en France (qui permet de se connecter via ses identifiants ARENA ou ATEN) et du nombre d’acteurs impliqués : 11 collectivités locales, 840 établissements et 1 million d’utilisateurs.

Enfin, le paramétrage possible est beaucoup plus fin, ce qui laisse beaucoup plus de libertés aux établissements et aux administrateurs MbN de configurer les choses. Mais cela rend ce même paramétrage également beaucoup plus complexe et chronophage encore !

 

Trop de points noirs subsistent encore !

MbN

Des outils « vie scolaire » bien peu adaptés sur MbN

Beaucoup de collègues, quelque soit leur métier dans l’établissement sont très remontés contre un outil que ne permet pas de faire fonctionner un établissement correctement.

Le suivi même des élèves par les CPE et les assistants d’éducation est fastidieux, voir impossible pour certaines données ? Les remontées sur l’absentéisme des élèves de lycées n’ont souvent pas pu être faites au rectorat car les données n’étaient tout simplement pas fiables ! Les envois de courriers pour les sanctions sont possibles, mais pas personnalisables, ce qui fait perdre trop de temps.

Les problèmes à régler ont été bien trop nombreux en cours d’années avec par exemple des notes qui d’un coup n’étaient plus visibles ce qui a généré pas mal de stress pour les enseignants qui avaient fait confiance à l’outil et n’avaient pas conservé de copies papier. Heureusement, les notes n’étaient en réalité pas perdues et ont donc pu être récupérées après un simple signalement à l’assistance par l’administrateur.

Le problème a depuis été résolu mais on peut s’étonner que même sur un des aspects les plus essentiels qu’est la gestion des notes, ce genre d’événement puisse arriver. Il n’y a d’ailleurs toujours pas de solution facile et rapide pour les élèves ayant changé de classe en cours d’année.

MbNLe point noir de la messagerie MbN

De l’avis des enseignants comme des personnels de direction, la messagerie n’est pas au point dans MbN : « c’est une messagerie qui ressemble à un forum, une suite de conversations sans aucune souplesse d’évaluation ; l’ajout ou le retrait d’un destinataire en cours de discussion est ainsi impossible. » ; cela engendre des malentendus et des quiproquos, par exemple quand on répond à tous, alors qu’on pensait répondre uniquement au chef d’établissement. L’archivage pose aussi problème « car il n’est pas stable : en cas de réponse d’un interlocuteur, le message sort de l’espace où il était archivé et devient très difficile à retrouver » affirme une proviseure de lycée professionnel.

Sont pointés aussi le peu de possibilités d’enrichir le texte et surtout la lourdeur de l’interface… « il m’a fallu douze clics pour remplir un message à une liste personnalisée de profs » affirme un chef d’établissement. Un enseignant explique que « ce n’est pas un outil convivial. Le module de messagerie n’est pas adapté. Aucun moteur de recherche avec choix (destinataire, expéditeur, date ou objet). Les élèves n’arrivent par exemple pas à correspondre avec un professeur s’il n’a pas envoyé de message préalable ». 

Le manque d’ergonomie général de MbN

Un enseignant témoigne : « Se connecter prend du temps, on a beau sélectionner « mémoriser notre choix », cela n’est jamais mémorisé ! D’autres part, le cahier de textes n’est pas un outil intuitif et agréable ; on ne peut pas dupliquer facilement une séance faite pour la mettre sur une autre classe. » Les emplois du temps des collègues ne sont pas toujours visibles (cependant, l’administrateur MbN peut paramétrer l’outil pour les rendre visible depuis le 30 mars dernier : dans le service cahier de textes, il faut donner l’accès « consultation de salle » et « consultation des enseignants » à tous les professeurs).

D’autres enseignants pointent encore la difficulté qu’il y a à saisir des compétences ou d’avoir connaissances des moyennes dans sa matière ou de celles des collègues d’une même classe.

Liaison avec le livret scolaire du lycée: le coup de gueule d’un adjoint

A la découverte du processus de liaison entre MBN et le LSL, un principal adjoint s’énerve : « je m’effondre tant la procédure est complexe, archaïque et totalement en contradiction avec un ENT censé simplifier la vie des usagers. Mais là nous touchons au sublime« . Selon lui, la liste des dysfonctionnements laisse en effet pantois : problèmes de liaison entre MBN et les autres bases de données, de dénomination des matières,  saisie rendue compliquée par des problèmes d’ergonomie…etc.

Dans un établissement de 380 élèves de terminale et 420 premières, la complexité des parcours, des situations est importante… et donc les emplois du temps reflètent ces éléments divers. « J’ai communiqué depuis plusieurs semaines auprès des enseignants sur le mode opératoire que j’imaginai similaire, que nenni ! Tout est à reprendre, dans un contexte de grogne des enseignants face au déploiement du 4.0, des manuels numériques, d’une réforme mal (pas) digérée, des examens qui ont déjà commencé dans les établissements. On voudrait mettre les adjoints en difficulté on ne s’y prendrait pas autrement ! Mais comment peut-on valider de tels protocoles opérationnels ? Il y a quelques années j’étais associé avec d’autres adjoints à des groupes techniques sur les nouveautés et leur mise en oeuvre. Il me semble urgent de reprendre cette politique au niveau académique pour limiter de tels dérives et soigner la communication et l’accompagnement des collègues : 4 pages de captures d’écrans sur un pdf le tout envoyé par la DEC, avec les coordonnées de l’assistance technique…  J’ai bien l’impression qu’on fait des adjoints et des administrateurs ENT des auxiliaires « opérateurs techniques » pour palier les incompétences de développeurs chez KOSMOS… »

 

Dans certains lycées, l’abandon de « Mon Bureau Numérique« est acté

C’est pourquoi certains conseils d’administration ont déjà décidé l’abandon total ou partiel de MbN au profit d’autres logiciels (comme UDTAxess Education, ProNote, Viescolaire.fr) ; « nous avons décidé en CA d’abandonner MbN pour revenir à Itop comme l’an passé, la facture à notre charge bien sûr » affirme une proviseure de lycée professionnel. Un autre affirme avoir fait remonter à la région Grand Est « qu’étant responsable des conditions de travail des personnels, je me devais de refuser des outils pouvant générer des risques psycho-sociaux ! » « Devant le désarroi des CPE, dans mon lycée nous avons voté en CA l’achat d’un autre logiciel », témoigne un enseignant.

Cela représente certes un surcoût important et un gaspillage d’argent public, mais cela permet aussi et surtout de résoudre les problèmes de légalité (savoir où sont les élèves facilement, rapidement et de manière fiable), de retrouver une vie scolaire apaisée, des données fiables, et des réunions qui ne soient plus « polluées » par ce sujet sensible.

Un proviseur qui refuse d’acheter un autre outil affirme cependant que : « les établissements scolaires doivent pouvoir travailler sereinement avec des outils métier à la hauteur de nos obligations. Ils ne doivent pas se transformer en plate-forme d’essai et/ou de recherche pour des entreprises privées. » Comment ne pas lui donner raison ?

Les revendications du Sgen-CFDT Alsace pour MbN à la rentrée 2019

En un mot, le bilan du changement d’espace numérique de travail est tout de même très négatif : que d’énergie, de temps  tant par les enseignants, les administratifs que les services du rectorat pour faire fonctionner tant bien que mal un outil mal conçu ! Que d’argent public gaspillé alors qu’on a changé d’opérateur justement pour en économiser.

Néanmoins, il faut maintenant penser à l’avenir : un certain nombre de questions fondamentales seront évoquées devant la rectrice lors du prochain CTA (Comité Technique Académique) par nos élus :

  • Quelle reconnaissance du travail supplémentaire effectué par les équipes, particulièrement par les CPE et les chefs d’établissement ?
  • Nous demandons que la fonction d’administrateurs MbN figure parmi celles qui permettent d’accéder à la classe exceptionnelle par le vivier 1 (de même d’ailleurs pour les PRN et PRI). Cela manifesterait une légitime reconnaissance et permettrait peut-être d’augmenter l’attractivité de ces fonctions.
  • Quelles améliorations indispensables vont êtres exigées de Kosmos notamment sur les modules vie scolaire et messagerie pour la rentrée prochaine ?
  • Comment va être ré-utilisé l’argent récupéré par la région  Grand Est sur le contrat de Kosmos  ?
  • Enfin et surtout : pour éviter qu’on recommence avec les mêmes difficultés dans 3 ans, quelles règles va-t-on s’obliger à suivre pour le prochain appel d’offres ? Si jamais MbN devient efficace et performant dans trois ans (espérons un peu avant…), il ne faudra pas de nouveau changer vers un outil dysfonctionnel !

 

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